lundi 10 septembre 2018

Présentation et problématique générale : orientation profane et arts hérétiques en sciences et philosophie
Dans cette étude à caractère exceptionnel, nous nous contentons de rendre hommage à des penseurs musulmans exceptionnels, qui ont contribué à l’enrichissement de la pensée religieuse et philosophique islamique, et qui présentaient les deux particularités suivantes :
*Ils furent à des moments de leur vie frappés d’interdiction, de censure. Ils furent bannis par l’idéologie officielle et accusés même d’hérésie (الزند قة" ") et d’athéisme ; Un grand nombre d’entre eux furent jugés, condamnés à mourir en prison, voire exécutés, et donc victimes de la tyrannie et du despotisme du pouvoir politique en raison de leurs idées hors normes, de leur génie et de leur indépendance d’esprit en violation des principes de la tolérance et de la liberté de pensée .
*En raison de ce statut injustement élaboré par les instances juridiques ("الفقهاء" ) et les idéologies officielles, ils furent (et seront) écartés des programmes pédagogiques établis, et généralement exclus des recherches et des investigations élaborées par les intellectuels arabo-musulmans eux-mêmes.
Ils devinent ainsi les oubliés de l’histoire arabo-islamique.
Nous avons essayé de montrer essentiellement dans la présente Etude (en traitant la question de la « liberté de pensée » et la relation complexe entre le volet rationnel et le volet obscurantiste de la pensée islamique), que les imperfections et les déviations qui ont marqué cette pensée, ont engendré globalement des concepts pervers qui ont servi tantôt de refuge, tantôt de justifications aux restrictions des Libertés en général, opposables aux concepts de base qui sont au fondement de la «démocratie islamique» issus pourtant des recommandations coraniques , à savoir :
+La large concertation ( الشورى ) ;
+Le Consensus ( الا جما ع ) و

+L’Ijtihad ou l’investigation intellectuelle et l’innovation ( الاجتها د ).
Les concepts pervers ( tels que : Fitna – الفتنة-, Zandaka- الزندقة-, Albidaâ- البدعة- etc.) furent utilisés aux différents niveaux ( politique, philosophique, juridique..) pour assurer la permanence et la reproduction de la symbiose paradoxale du caractère dogmatique de la jurisprudence islamique et du despotisme des pouvoirs religieux et politiques .
-Sur le plan politique, les centres du pouvoir ont continuellement usé du concept de la discorde ( la «Fitna» الفتنة), pour déjouer toute tentative d’opposition susceptible de remettre en cause la légitimité du système politique établi en dehors du processus de légitimation fondé sur la large consultation ( الشورى), le consensus ( الاجماع ) et l’approbation populaire ( البيعة).
La khilafa islamique a continuellement fonctionné sur la base de la primauté de l’obéissance ( واطيعوا اولي الامر ) par rapport à la légitimation populaire préalable ( الشورى ), en posant la nécessité de l’unité de la communauté en dehors donc de toute contestation populaire identifiée en permanence à la «fitna» ; L’application d’une telle vision dogmatique de la gestion politique dans le monde sunnite omayyade a conduit durablement à frapper d’interdiction les orientations d’opposition : Alide, Kharijite, Muâtazilite et shiite !
-Sur le plan juridique,
*l’utilisation excessive du caractère immuable réservé au Texte du Coran et à la Sunna ( excluant toute tentative d’opter pour une troisième voie possible malgré les innovations du Kyass ( القياس) et de ses formes d’extension(الاستحسان- الاستصلاح-الاستصحاب-سد الذرائع_) ;
*les implications malheureuses des Fatawa(الفتاوى) au caractère non équivoque (غير قابل للنقد) et des jugements juridiques (( والاحكام الشرعية ;
*l’utilisation abusive du concept de Bidaâ ( البدعة) ayant donné un coup d’arrêt à toute initiative d’innovation et de réinterprétation en dehors de la jurisprudence officielle etc. ;
-Sur le plan de l’étude du Texte ( التفسير ) ou d’étude liée à l’herméneutique, les représentants de la jurisprudence officielle, ont continuellement usé du monopole de l’interprétation du Texte et de l’élaboration de la Sunna. Il ont en permanence conditionné les décisions politiques et les jugements juridiques ( porteurs de sanctions et de mise à mort des auteurs de la pensée et de l’expression libres).
Littérature et arts profanes
Parallèlement au développement des sciences religieuses et du droit islamique (fik’histe ), la communauté islamique a connu l’essor des expressions libres sous forme de poésie profane ( Abou Aâla’â Almaârri – ابو العلا ء المعر ي -), d’expression érotique ( Abou Nouass- أبو نواس- et Abbas ben Al’ahnaf- عباس بن الاحنف- ), de slogans de liberté et de révolte (Almoutanabbi-المتنبي -), d’expression littéraire libre Almoukafa’â- (المقفع (1)

1-Abou Nouass ابو نو ا س ( M.187H.-803Gr.)


2–Aljahidh ( الجاحظ) : Abou Othman Omar ben Bahr Aljahidh (M.255/889G.)

3–Abou Tayeb Almoutanabbiالمتنبي –(M.354H.-965Gr.) incarnait l’esprit libre, révolté, errant …

4-Abdellah ben Almoukaffa’â - عبد الله بن المقفع -106-142H- ;




*-D’origine perse, défenseur acharné de l’orthodoxie islamique ;
*- Traducteur à l’arabe du recueil de fables indiennes dit «Kalila wadimna» ( كليلة و دمنة-) ( traduit dans toutes les langues du monde)


-«Al’adab assaghir wal’adab alkabir » (الا د ب الصغير والاد ب الكبير) :
-«Rissala fissahaba » (الرسالة في الصحابة ), un véritable programme de réformes du système politique, juridique, militaire et administratif
abbasside de son époque.
*- Désigné comme secrétaire particulier par Aissa ben Ali (oncle du kalife Abbasside au pouvoir Abou Jaâfar Almansour ( régnant de 136-158H/754- 775G.)(1)

Abou Aâla’a Almaârri-ابو العلا ء المعر ي (M.450H. 1058Gr.


*-Grand écrivain et poète aveugle, influencé par Almoutanabbi, poète incarnant l’œuvre littéraire profane par excellence, d’inspiration hindoue ;
*-pessimiste sur la destinée humaine ;
*-Sa poésie exprimait un certain doute de la foi qu’il considérait comme lié à la réflexion humaine, il fut ainsi accusé d’hérésie («zandaka») et d’athéisme.
-Œuvres de poésie : "لزوم ما لا يلزم"- "ضوء السقط"-و"سقط الزند" ;
- Œuvres de littérature : "رسالة الملائكة"-"رسالة الغفران"و"إلا يك و الغصون"
Critique de la religion officielle :
L’esprit libre peut se présenter sous forme de :
-critique de la religion officielle ز
-(Fakhreddine Arrazi - فخر الد ين الر ا ز ي,
-Abou Hyane Attawhidi – أبو حيان التوحيدي-


- et Sohrawardi – الصهروردي- ) ;

-de critique du statu quo ( Aljahidh-الجاحظ –

-ou de critique philosophique de la religion ( Abou Aâla’â Almaârri – ابو العلا ء المعر ي :

Abou Bakr Alrazi- ابو بكر الر ا ز ي ,
Ikhwane Assafa –اخوان الصفا -).

A titre exceptionnel, certains souverains Khalifes au pouvoir, les protégeaient contre les condamnations émises par les théologiens fik’histes ( exemple des poèmes érotiques de Abou Nouass –أبو نواس –et des «ghazals» de Aâbbas ben Alhnaf - عباس بن الاحنف- sous le règne de l’Abbasside Haroun Arrachid – هارون الرشيد - .
Alors que dans d’autres cas, les auteurs d’expression libre furent victimes des représentants de la vision officielle de la religion et se trouvèrent condamnés à mort à la demande des juristes fik’histes (sur la base parfois de «fatwa» établie par un juge ( cas de Alhallaj-(2) – الحلاج-, de Sohrawardi- الصهروردي- ) ou exécutée manu militari sur l’ordre de l’autorité officielle (cas de Almoukafa’ المقفع – ابن-
Pensée hérétique en philosophie et soufisme
«Ikhwane Assafa »- –اخوان الصفا (« les Frères Sincères »)


- Fondamentalement hérétiques : « Les Frères Sincères de Bassorah, affirmaient sans équivoque le relativisme des religions, les syncrétisaient en un émanatisme d’esprit new-platonicien »
( Sourdel, l’Islam – PUF – p.92) ;

Abou Bakr Alrazi ( M 313/925G)- ابو بكر الر ا ز ي



-Fondamentalement hérétique selon Sourdel :
- Médecin célèbre auteur d’une œuvre sur la critique ou «de la réfutation des religions » : «Finakd al’adyane » (" في نقد الاد يا ن ")
Abou Hyane Attawhidi ,
-il fut un gnostique et traité d’hérétique de l’islam«زنديق الاسلام » au même titre que le poète Elmaârri – المعر ي - ;
Fakhr Addine Alrazi ( M.606/1210G) - الد ين الر ا ز ي فخر


*-Dans ses commentaires scientifiques, il s’inspira de la science grecque ;
*-Penseur du Kalam ;
*-Ayant fait l’objet de critiques de la part des disciples des Ecoles juridiques (surtout hanafite et Chafi’îte), qui ont conduit à son expulsion du Khorassan vers 595H. ;
*- Auteur du « le grand commentaire » ( التفسير الكبير ) et « les clés du mystère » ( مفا تيح الغيب ) .
* Fakhr Addine Alrazi avait soulevé de sérieux problèmes philosophiques et théologiques à l’époque en s’appuyant sur la réflexion du commentateur et non sur la tradition.

Sohrawardi ( الصهروردي- )

( Pour plus de détails sur la philosophie illuminative de Sohrawardi, (3)



*-Très jeune philosophe d’origine iranienne et grand fondateur de la théosophie orientale à l’instar d’Ibn Arabi (fondateur de la théosophie occidentale)
*-Œuvre principale : «Livre de la philosophie illuminative» (كتاب فلسفة الاشراق), il s’agit d’une Etude synthétique des grandes Ecoles de pensée philosophiques orientales (Zoroastre, Zarathoustra), de la pensée grecque (Platon) et de la philosophie arabo-islamique ( Avicenne)

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(NOTE 1) –


Célèbre écrivain et prosateur le plus rationnel de l’histoire arabo-islamique : Almoukaffa’â considère «la Raison comme guide vers le sens de la justice».
Dans son œuvre «Rissalat Assahaba» - الرسالة في الصحابة -, il avertit le Khalife sur les incohérences du système juridique et du rôle de l’armée et soulève des «contradictions de la jurisprudence»
-Grand initiateur du réformisme politique et administratif de la Khilafa abbasside. Accusé d’hérésie («الزندقة » ) et de réformisme radical par le Khalife Elmansour pour ses prises de position critiques à l’égard de la religion officielle et du caractère despotique du régime politique.
-Il fut condamné à mort et exécuté ( après avoir tranché ses membres, son bourreau le jeta dans un four brulant..), son sort tragique incarne l’une des pages les plus sombres de l’histoire arabo-islamique !

(NOTE 2) Alhallaj




Suite à une Fatwa que les juristes réussirent à obtenir du juge de Baghdad, Alhallaj fut taxé d’agitateur et accusé d’hérésie et de conspiration contre le Kalife abbasside Jaâfar Almouktadir (régnant de 295-320H. / 908 à 932G.) . Arrêté (en 301H./913G). et jugé en 309H./922G., puis exécuté et décapité. Après avoir été honoré par les rois Saljûqides (السلجوقيون), Sohrawardi s’est rendu en Syrie Halep (حلب )où il fut condamné à mort et exécuté pour hérésie par Adhahiri Ghazi-المالك الظاهري الغازي - au pouvoir à l’époque ( fils de Salahddine Alayoubi). Celui-ci (grande figure de l’histoire héroïque de l’histoire islamique), n’avait curieusement pas empêché son fils d’infliger une mort tragique à l’un des grands philosophes de l’ISLAM
Déroulement de son exécution ( de sa décapitation) extrêmement inhumaine !!
-Première scène du drame : les bourreaux coupèrent au moyen d’un sabre tranchant les deux membres inférieurs d’Alhallaj, et s’adressèrent à lui pour lui demander s’il désirait exprimer un sentiment de repentir !! (scène sans réaction d’Alhallaj ! )
-Deuxième scène du drame : Les bourreaux s’adressèrent au responsable de l’opération de l’exécution pour l’informer de l’entêtement d’Alhallaj ; celui-là s’adressa à son tour à Alhallaj pour lui demander si cette première étape d’ablation de ses membres suffisait pour l’obliger à se pardonner avant que le sang se vide complètement de son corps !!.. ;
-Troisième scène de drame ( Fin ) : Alhallaj leva ses yeux et regarda ses bourreaux et s’exprima majestueusement avant que les bourreaux achevèrent sa décapitation en procédant à l’ablation de ses membres supérieurs : «Offrez moi uniquement mon sang pour que j’en serve pour mon ablution( الوضوء )

(NOTE 3)



Après avoir été honoré par les rois Saljûqides (السلجوقيون), Sohrawardi s’est rendu en Syrie Halep (حلب) où il fut condamné à mort et exécuté pour hérésie par Adhahiri Ghazi-المالك الظاهري الغازي - au pouvoir à l’époque ( fils de Salahddine Alayoubi). Celui-ci (grande figure de l’histoire héroïque de l’histoire islamique), n’avait curieusement rien fait pour empêcher son fils d’infliger une mort tragique à l’un des grands philosophes de l’ISLAM !

مرقد الشيخ عمر السهروردي - بغداد-

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