lundi 17 septembre 2018


Critique de l’Economie Politique (représentée principalement par David Ricardo et Adam Smith) et caractère historique du mode de production capitaliste


Le concept de mode de production est un concept fondamental du matérialisme historique, il est le produit et la conséquence logique du développement de la pensée marxiste, comme critique, d’une part de «la philosophie de l’histoire» de Hegel et de l’autre part de l’économie politique bourgeoise.
Pour Hegel, la «Raison» (identifiée à «l’idée) régit le monde, l’histoire est le produit de la Raison, qui se développe par la liberté (l’histoire universelle selon Hegel, est le progrès dans la conscience de la liberté)

Après avoir exploité le matérialisme de Feuerbach ((«Essence du Christianisme»), Marx proposa et exposa sa méthode du matérialisme dialectique, qu’on peut trouver expliquée dans différents textes, en particulier dans les citations suivantes :

«Mes recherches aboutissement à ce résultat que voici : Les rapports juridiques, pas plus que les formes de l’Etat ne peuvent être compris, ni par eux – mêmes, ni par la prétendue évolution générale de l’esprit humain, ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions matérielles d’existence dont Hegel , à l’exemple des Anglais et des Français du XVIIIe siècle, comprend l’ensemble sous le nom de « société civile » et l’anatomie de la société civile droit être cherchée à son tour dans l’économie politique(…)

Le résultat général auquel j’arrivais et qui, une fois acquis, servit de fil conducteur à mes études, peut brièvement se formuler ainsi :

"dans la production sociale de leur existence, Les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement de forces productives et matérielles…A un certain stade de développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production…Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure…»
(K. MARX : Préface à la « critique de l(économie politique » Editions de Pékin, 1980 ?PP. 3 – 4) 

Dans cette évolution contradictoire, Marx ajoute :

« Ce sont les hommes qui, en développant leurs forces productions matérielles, et leurs rapports matériels, transforment avec cette réalité, qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. »
(K. MARX , Chapitre premier de « l’Idéologie allemande »
In Œuvres, T1, Editions du Progrès – Moscou – p.20)

A la méthode de Hegel , prônant le principe de déterminisme social fonctionnant du haut en bas, Marx oppose non pas seulement l’inverse contrairement aux thèses « économicistes » et « structuralo-fonctionnalistes » qui font l’éloge de la « détermination en dernier instance par l’économique », mais une méthode dialectique, une interaction complexe et contradictoire des différents « niveaux » d’une formation sociale. (Contradiction entre forces productives et rapport sociaux de production) suivant les époques historiques.
Dans une lettre à Joseph Bloc en 1890, Engels avait déjà répondu) à de telles interprétations mécaniques du marxisme , ainsi il écrit :

«D’après la conception matérialiste de l’Histoire le facteur déterminant dans l’histoire, est en dernier instance la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi, n’avons jamais affirmé d’avantage, si ensuite quelqu’un torture cela jusqu’à dire que le facteur économique est seul déterminant, il transforme cette proposition en une phase vide, abstraite, absurde. »
( In MARX - ENGELS : « Etudes philosophiques »
Edition Sociales – 1947 – p. 123)

Pour Engels, donc, l’histoire obéit à plusieurs facteurs , dont la production et la reproduction de la vie réelle, est la plus déterminante.
La problématique que pose la méthode dialectique, n’est pas de savoir quel est le «facteur » le plus déterminant, mais d’arriver à faire une articulation entre l’économique, le politique, l’idéologique etc. ……. dans une formation sociale particulière donnée.
Deux aspects dialectiquement complémentaires se dégagent de cette méthodologie et qui sont exprimés dans une confirmation de Marx lui – même à savoir :

« Les hommes font librement leur histoire dans des conditions qui ne sont pas librement déterminées par eux. »

-Le caractère déterminant de « la production sociale ».

« Dans toutes les formes de sociétés c’est une production déterminée et les rapports engendrés par elle qui assignent à toutes les autres productions et aux rapports engendrés par celle-ci leur rang et leur importance. (« K. Marx » - in « contribution.. »)

Il est vrai, que la définition d’un mode de production, ne peut être ramenée à la seule base économique. Marx souligne le caractère déterminant de la production à un certain stade de développement supposant la vie des hommes en société.
Sur ce plan, Marx souligne les différents formes d’illusions qui caractérisent en particulier l’économie politique (telles que « Les désirs illimités de l’homme, L’Etat de nature »). « Le chasseur et les pécheurs individuels et isolés, écrit-il, par lesquels commencent A .Smith et Ricardo, font parties des plates fictions du XVIIIe Siècle ».
( Introduction à la ‘critique de l’économie politique »Editions de Pékin – 1980 6 p.10)
Chez les classiques, et surtout Ricardo, la production est envisagée non pas comme une production sociale mais comme production d’individus, et niant ainsi le caractère social de la production, et donc les rapports sociaux qu’elle dissimule :


                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

«Dans toutes les formes de sociétés, c’est une production déterminée et les rapports engendré par elle qui assignent à toutes les autres productions et aux rapports engendrés par celles-ci leur rang et leur importance. » ( Ibid., p.44)

Les représentants de l’économie politique, tout en partant d’une représentation mystifiée de la réalité qu’ils observent, réduisent l’évolution des sociétés à un principe qu’ils croient universel, renvoyant à une représentation religieuse dans les sociétés précapitalistes et au droit et à la rationalité dans la société capitaliste.
La pensée marxiste réalise un premier dépassement de l’économie bourgeoise se trouvant au cœur de la critique marxiste de l’économie politique à savoir : le fondement des liens et des rapports sociaux.
Sur ce point les limites de l’économie classique furent dépassées à trois niveaux :
-L’incapacité de concevoir le travail, conduit Marx, à étudier le travail social abstrait ;
-L’incapacité d’expliquer d’articulation entre détermination des valeurs d’échange et la formation des profits , d’où la plus-value chez Marx ;
-Le capital considéré comme catégorie a-historique, conduit Marx à poser le capital comme rapport social de production.
La critique de l’économie politique se réalise au niveau de l’abstraction (du rapport social).
Dans l’économie politique l’abstraction est spéculative, ce sont les idées qui mènent le monde.
Pour Marx, l’abstraction , est une « abstraction réelle ». Le fondement de l’abstraction est matérielle . Il réside dans la manière de produire (manière donc historique) , manière dépendant de la capacité productive que la société peut mettre en œuvre.
Une double séparation fonde des rapports de production :
-Séparation entre producteurs privés, ayant chacun un rapport avec les forces productives et le produit du travail.
-Séparation entre force de travail et moyens de productions appropriés par une partie de la société etc.
D’où une catégorie logique et nouvelle, et une abstraction :
La contraction, qui veut dire essentiellement que la séparation produit le lien social ou le rapport social….

Les éléments invariants d’un mode de production.

A partir des textes de Marx d’abord (in « Sur les sociétés précapitalistes » C.E.R.M Editions Sociales 6 p.180 à 226) et des analyses de différents auteurs marxistes (L.ALTHUSSER, E.BALIBAR , N.POULANTZAS , C.BETTELHEIM) nous essayons de dégager les éléments communs (mais dont l’articulation complexe varie selon les modes de production et selon les époques historiques) à tout mode de production.
Ces éléments invariants qui existent dans toute forme de société, s’articulent essentiellement au niveau de « l’économique». Celui –ci correspond à l’essence même de la production et de la reproduction réelle, et constitue de ce fait le niveau le plus déterminant (mais qui n’est pas toujours dominant) de l’évolution d’une formation sociale.
A ce niveau, on peut faire intervenir trois éléments fondamentaux d’un mode de production, qui sont liés directement au projet de travail et de production :
*La force de travail : qu’on peut identifier à l’activité de l’homme vivant en société. De la forme d’insertion de la force de travail (de son exploitation dans le procès de production), des formes marchandes ou non marchandes dépend essentiellement la définition de la nature d’un mode de production au niveau de son essence.
L’activité de l’homme ne peut être identifiée donc, à celle d’un homme isolé vivant en dehors de la société, bref à celle d’un être « naturel » ou d’un animal, tel que celle d’une abeille. Comme l’a bien défini Marx :
«Ce qui distingue d’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. (K.MARX : Le Capital, LI, T1, Editions Sociales-1971 6 pp. 181 –)
La force de travail est celle d’un homme producteur, social, qui se met en rapport avec d’autre hommes au sein d’une société.
-Les moyens de production : qui constituent des moyens sur lesquels agit la force de travail, et ceux qui sont mis en œuvre par cette force de travail. On distingue deux catégories de moyens de production :
*L’objet de travail ;
*Le moyen de travail ;
Ce dernier s’articule aussi bien à l’objet de travail qu’à la force de travail. (E. Balibar :« Les concepts fondamentaux de Matérialisme historique » in « Lire le Capital »-Maspero 1980 – TII –p.135 )
-Le non-travailleur : qui existe dans toute les sociétés de classes , et qui approprie-sans fournir de force de travail à la société – le sur - travail sous différentes formes, suivant la nature du mode de production ; son statut diffère aussi suivant les modes de production. Il peut être indirectement propriétaire, comme dans les sociétés communautaires, propriétaires des travailleurs eux-mêmes comme c’est le cas du mode de production esclavagiste, seigneur féodal appropriant le surtravail dans des rapports de domination et de subordination avec le serf ; ou enfin capitaliste qui exploite le surtravail (la plus-value) en réalisant des profits.
Tous ces éléments ne nous permettent pas suffisamment de définir un mode de production, car se sont les différents rapports qu’entretiennent principalement les travailleurs et les non-travailleurs entre eux qui constituent l’essence même d’un mode de production :

« ce qui distingue une étape économique d’une autre, écrit Marx, c’est moins ce que l’on fabrique que la manière de fabriquer… »

(K.MARX ; « Le Capital » LII, T1-Editions Sociales – pp.182 6 183)
Et c’est aussi ;

«La manière spéciale d’opérer la combinaison des travailleurs et des moyens de production qui distingue les différentes étapes économiques par lesquelles la structure sociale est passée. »

(K.MARX ? « Le Capital » Op.cit.38)
Ainsi l’analyse de ces rapports de production doit être menée sur un double niveau :(Selon N.POULANTZAS)
-Rapport des travailleurs et des non-travailleurs avec les moyens de production (rapports techniques de production….)
-Rapports entre les travailleurs et les non-travailleurs , c’est à dire l’ensemble des rapports « complexement » combinés et distribués en rapports de classes (rapports sociaux de production)
L’ensemble de ces rapports sont dialectiquement liés, de leur articulation correcte dans une réalité concrète dépend, en principe la distinction (définition de l’essence) d’un mode de production.
Ainsi, au premier niveau, la première relation entre le travailleur et les moyens de production peut être une relation de possession ou de non possession, ou bien une relation de séparation totale .La relation de possession ou de non possession qui permet au travailleur de jouir ou de ne pas jouir des moyens de production est appelée par Etienne Balibar ; « relation d’appropriation réelle ».(E.BALIBAR, Op.cit. ; p.98 ; N.POULANTAZS, Op.cit. p.21)
Toujours au premier niveau, une deuxième relation, celle exprimant la position du non-travailleur par rapport aux moyens de production, est appelée « relation de propriété »(E.BALIBAR, N.POULANTZAS, Ibid.). Elle implique que le non-travailleur intervient, soit comme propriétaire de moyens de production, soit de la force de travail, soit des deux à la fois.
En essayant de définir un mode de production sur la base de cette double séparation et des différentes combinaisons possibles de rapports techniques, et de rapports sociaux de production, nous pouvons éviter de réduire le mode de production aux formes et aux rapports de propriétés , revoyant généralement, non pas à son essence, mais à des formes techniques ou idéologiques.
L’ensemble de ces rapports de production engendrent dans une vie en société des rapports de distribution, cela nous conduit à introduire dans la définition du mode de production, Les formes ou les modes d’appropriation et de réparation du surtravail.


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