mardi 11 septembre 2018



I-)*Rappel des principes orthodoxes de la Laïcité et du développement séculaire au fondement du modèle civilisationnel occidental

 Tout en étant conscient des problèmes d'ordre méthodologique qui consistent à transposer la vision  de l’Histoire au fondement de la démocratie de l’occident à celle des sociétés arabo-islamiques, nous devons faire un rappel des étapes historiques de la Renaissance de l’Europe qui ont conduit progressivement à la maîtrise des méthodologies universelles des sciences et techniques, à la conception des modèles économiques de développement (ou sécularisation) et à l’adoption des systèmes politiques issus fondamentalement du Contrat Social (légitimité issue exclusivement  de la volonté du peuple) qui conduisit  dans une première étape au développement séculaire, et dans une deuxième étape plus récente (loi de 1905 principalement)  de la laïcité ( en tant que mode de gestion politique de l'Etat fondé sur la neutralité vis à vis des croyances religieuses et confessionnelles).
Ces étapes sont liées à notre avis à deux problématiques théoriques et méthodologiques qui fondent le modèle civilisationnel occidental contemporain à savoir :

*Les fondements du développement séculaire

*les principes de la pensée philosophique et politique de la Laïcité.

1°)*le développement séculaire en tant qu'aboutissement économique(1) de la "volonté de puissance" rationnelle issue de la pensée des Lumières

Sans définir ici les différentes orientations de pensée philosophique qui fonde le développement séculaire, nous nous contentons de citer le texte suivant de Celso FURTADO qui résume l’essentiel de ce type de développement qui fait la fierté de l’occident depuis l’avènement du capitalisme industriel et sa domination sur le monde : 

«Les racines de la notion de développement(1), peuvent être détectées dans trois courants qui on jailli de la pensée européenne à partir du XVIIIème siècle. Le premier de ces courants procède de la Philosophie des Lumières avec le concept de l’histoire comme une marche progressive vers la suprématie de la raison. Le second est lié à l’idée d’accumulation de richesse, pour laquelle l’avenir est implicitement porteur d’une promesse de plus grand bien-être. Le troisième, enfin, se rattache à l’idée que l’expansion géographique de la civilisation européenne représente, pour les autres peuples de la Terre, considérés comme des « retardés » à des degrés divers, l’accès à des formes supérieures de vie. L’apparition, au XVIIIème siècle d’une philosophie de l’histoire - vision sécularisée - du devenir social assume avec l’Aufklàrung la forme de la recherche d’un « sujet » dont l’essence se réalise à travers son propre processus historique. Les facultés attribuées par Kant à la conscience du sujet transcendantal constituent le point de départ d’une vision globale de l’histoire, celle de la transformation du chaos en ordre rationnel. Avec Hegel, l’humanité assume le rôle du sujet, comme entité qui se reproduit selon une logique qui pointe dans la direction du « progrès ». Cette vision optimiste du processus historique, qui permet d’entrevoir le « futur possible » sous la forme d’une société plus productive(3) et moins aliénante »
(in « l’Internationale des Sciences Sociales » – UNESCO- 1977 )
Il est à préciser, que ce volontarisme rationaliste des Lumières, sera rompu et remis en cause par les thèses dites « post-modernistes » (suite à F. Nietzsche et Heidegger), en raison des dérives politiques et idéologiques qu’il a engendrées, telles que : les génocides colonialiste et fasciste ! ( Voir ci-dessous: les Ecoles de l’aliénation ). 

2°)*les principes de la pensée philosophique et politique de la Laïcité (La démocratie fondée sur les principes de la laïcité en tant qu'aboutissement politique de la pensée des Lumières).

Le deuxième volet du modèle de développement occidental s’est concrétisé progressivement avec l’avènement et l’adoption de la Laïcité, dont nous présentons les étapes historiques importantes et les principes orthodoxes suivants :
-Première étape : La «libération de la Raison» ( تحرير العقل ) des autres dimensions de réflexion d’ordre confessionnel ou liées aux systèmes de croyance etc. ayant conduit à écarter par conséquent l’église de la gestion politique et sociale de la nation;
-Deuxième étape : Le contrat social ( العقد الا جتماعي ) ayant imposé à l’Etat l’obligation de garantir l’égalité de tous devant la Loi et de garantir le respect des droits de l’Homme et dont la légitimité émane exclusivement de la volonté du peuple, engendrant ainsi une nouvelle conception de la Liberté de l’homme tributaire du respect des obligations civiques que ce contrat engendre et implique ;
-Troisième étape : La valorisation de l’Individu ( dans le cadre de libéralisme) pour l’élargissement de son espace des libertés politiques, économiques et culturelles, engendrant effectivement le respect absolu de la liberté de pensée et d’expression ;
-Quatrième étape : La libération de l’Etat ( تحرير الدولة ) par l’adoption de la laïcité dans son sens large et originel, comme consolidation finale des trois premières conditions de la Renaissance, assurant d’une manière permanente le développement séculaire, la sauvegarde de la liberté de pensée et de culte, l’élargissement des espaces de liberté et de création .
Ce n’est pas la laïcité en tant que concept politique fondé sur l’indépendance réelle de l’Etat vis-à-vis des emprises d’ordre idéologique et particulièrement confessionnelle, engendrant en contrepartie sa neutralité vis-à-vis des croyances religieuses, pour assurer et préserver enfin les droits des citoyens (ceux liés à l’égalité devant la Loi et à la liberté de pensée et de culte etc.), qui pose problème d’incompatibilité avec l’islam en tant que projet politique global.
Le blocage de toute conviction de compatibilité entre islam et démocratie assure sa permanence grâce au malentendu crée artificiellement dans le cadre de la confrontation des deux intégrismes (« islamiste » et «laïciste» ), loin des fondements du pouvoir de l’islam et des principes politiques de la laïcité elle même.
Une telle confusion s’exprime dans la banalisation de la religion (exclusivement islamique ), ayant conduit à des dérapages et à des déviations graves sous sa forme médiatiquement bien gérée de l’islamophobie (particulièrement en France et aux Etats Unis ).
Les arguments théorique et méthodologique et non idéologiques originaux qui militent en faveur de la laïcité telle qu’elle est issue de l’esprit de la Déclaration des Droits de l’Homme ( 1789 et 1948) en dehors des dérapages médiatique et islamophobe actuels, sont :
1-La laïcité veut dire : l’exclusion de tout privilège accordé par l’Etat à un système de croyance ou à une conviction confessionnelle . L’Etat procure ainsi une neutralité effective et réelle en tant qu’ entité juridique (gérée et définie par la Loi ) qui exclut toute suprématie d’une confession par rapport aux droits des citoyens;
2-La laïcité ne s’oppose pas à la religion ( contrairement à l’intégrisme laïciste), elle se définit et se présente fondamentalement comme un système de pensée philosophique et politique qui sauvegarde en principe la liberté de culte ( en préservant le caractère sacré, spirituel et spécifique de la religion comme étant un domaine non soumis aux lois de l’évolution et de l’extension ), au même titre que la liberté de pensée, des règles nécessaires de gestion de la différence vis-à-vis de l’autre et de l’acceptation de l’autre. 
3-La laïcité définit l’Etat comme entité neutre et «sans pensée», c'est-à-dire, qui n’est ni religieux ni non-religieux, tout en étant soumis à l’obligation déontologiquement définie dans le cadre de la sauvegarde des droits de l’homme, à savoir la liberté de pensée et de culte.
Cette liberté parrainée par l’Etat, ne fonctionne donc que dans l’espace de la société civile.
De ce fait, dans les cas laïcistes extrêmes ( exemple de la Constitution française), l’Etat étant « non penseur», il ne finance et ne subventionne aucune activité (ou institution) religieuse.
Au-delà de ces principes, la démocratie moderne combine la neutralité de l’Etat et l’égalité de tous devant la Loi, avec les principes des droits de l’homme, en dehors de la xénophobie et de l’islamophobie. 
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789, précise dans ses deux articles 10 et 11, la conception de la liberté de pensée et la libre circulation des idées qu’elle a définie par rapport à la Loi :
Article X : Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
Article XI : La libre communication des pensées et des opinions et un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l ’ abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans son article 18 stipule :
«Toute personne a le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; Ce droit implique la liberté de changer de religion, ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, par l’enseignement, des pratiques, les culte s et l’accomplissement des rites ». 

Ces grands principes conjuguant la conception originelle de la laïcité et l’esprit dans lequel les rédacteurs de l’article18 de la DUDH ont conçu la Liberté, contredisent parfaitement les conditions politiques dans lesquelles s’organise aujourd’hui le débat sur l’islam-laïcité-modernité particulièrement en France), qui refusent délibérément de revenir à ces grands principes pour trouver des solutions adéquates au statut de l’islam en Europe :
Il s’agit à notre avis d’un nouveau cadre idéologique de ce qu’on peut appeler l’«intégrisme laïciste»(التطرف العلماوي) et non de la laïcité ( العلمانية).

II-)*Les déviations du modèle occidental suivant les Ecoles philosophiques "modernistes" et "postmodernistes"(de K. Marx  à l'Ecole de Francfort) 


En dehors de cette orthodoxie (qui constitue théoriquement une fierté intellectuelle pour l’Europe) de la pensée philosophique et politique ayant engendré le développement d’une démocratie fondée sur la volonté des peuples, partant de l’esprit de la D. U. D. H. et des principes de la laïcité, nous relevons malheureusement ( depuis la généralisation de la consommation des masses en Occident industriel après la seconde guerre), des déviations par rapport aux règles d’appréciation et de valorisation de l’Homme en société, établies par les sciences humaines nées même en occident (dont les conclusions thérapeutiques de la psychanalyse et de la psychologie moderne), que les célèbres Ecoles américaines freudo-marxistes marcusiennes et post-marcusiennes ( issues principalement de l'Ecole de Francfort) hautement critiques à l’égard de la société de consommation moderne ont largement théorisées et approfondies, à savoir :

-La première forme d’aliénation avait été définie d’abord par Platon, qui défendait le pouvoir de la Raison et de ses idéaux ( condition de la vraie Liberté ) au sein de ce qu’il appelait la « République», tout en critiquant la « démocratie » qui suppose l’asservissement de l’homme par ses désirs ; Cette thèse rejoint et consolide parfaitement les arguments méthodologiques développés par les Ecoles modernes de l’aliénation de l’homme dans la société industrielles de consommation ;
-Les critiques radicales du système capitaliste de production et de consommation, furent d’abord l’œuvre de Karl Marx, Sigmund Freud, William Reich, suivies de celles développées dans le cadre des approches structuro-fonctionnalistes (Gramsci et Althusser ) et des théories dites systémiques fondée sur la méthodologie de la cybernétique(Talkott Parsons, David Easton);

-Les critiques marxistes de l'expansionnisme capitaliste ou impérialisme (Hilferding, Lénine, Luxembourg + les post-marxistes européens, asiatiques-maoisme- + marxistes tiers-mondistes de l'Amérique Latine..);

-La théorisation accrue et approfondie de l’aliénation de l’homme dans la société de consommation fondée sur des critiques radicales de la culture américaine, revient d’abord à Herbert Marcuse dès les années 1950 : « Eros et civilisation»-1955-, qui constitue l’œuvre la plus critique de la société de consommation (en l’occurrence de la société américaine) à la lumière d’une méthodologie combinant la théorie freudienne des névroses ( qui démontre que la sublimation ou les différentes formes de refoulement sexuel historiquement consolidé, constituent la base des civilisations humaines) et la pensée critique marxiste de l’aliénation de l’homme par le travail ( théorie de la valeur et de la marchandise ) et par la consommation au sein de la société capitaliste ;

-Suite à Herbert Marcuse, les représentants des Ecoles de pensée américaines de l’aliénation ont développé de nouvelles méthodologies d’étude de l’aliénation de l’homme dans la sociétés industrielles avancées dites « surdéveloppées » de consommation, tels que :
+Eric Fromm ( Société saine, société aliénée »1956) : développe une critique de la société de consommation « complètement mécanisée » visant l’optimisation de la production..« soumise à des ordinateurs ».. ;
+Théodore Roszak («vers une contre-culture »1969) : critique de la société technocratique ;

+Lewis Mumford (« le mythe de la machine »1974) : dénonce l’idéologie « scientiste » et « industrialiste » ;

+Charles A. Reich ( « Le regain américain »1971) : formule de critiques radicales de la société de consommation qui réduit l’homme à une simple unité de production et de consommation aliéné, asservi et soumis à un monde mécanique ;

-A ces recherches hautement critiques à l’égard de la société capitaliste de consommation, s’ajoutent les études récentes portant sur les issus probables de ce qu’on appelle l’ « après-modernité » :
+thèses nouvelles de la fin du 20ème siècle du post-modernisme, celles incarnées en premier lieu par les recherches de Jean François Lyotard et qui rejoignent les thèses de M . Heidegger et F. Nietzsche.

 Les études des auteurs célèbres tels que M. Foucault et J. Derrida ainsi que celle de Vattimo (qui annonce la fin de la suprématie européenne), s’inscrivent dans cette perspective méthodologique, à l’instar de thèses de Théodore Adorno prônant le post-rationalisme…
+La thèse posant la nécessité de réhabiliter la rationalité des Lumières ( contre le courant postmoderniste ), celle développée en particulier par Jürgen Habermas , qui demeure une voie adaptée à la situation des sociétés en voie de développement qui sont en décalage par rapport à un niveau minimal de maîtrise des sciences et techniques, comme condition préalable du démarrage et de la dynamique du progrès.

§ Carl Popper : 

Grand penseur de la Philosophe des sciences et de l’épistémologie (Né à Vienne en Autriche le 28 juillet 1902 et mort le 17 septembre 1994 à Londres), dont la pensée est méthodologiquement teintée de relativisme, de scepticisme et de pluralisme critique. Karl Popper émet des réserves sur la démarche scientifique de conjectures et de réfutations, il considère que la démarche expérimentale ne permet jamais de vérifier une théorie. Par contre elle permet de l’éliminer si elle est fausse. La méthodologie développée par Karl Popper en tant que représentant du «rationalisme critique», qui remet fondamentalement en cause la méthodologie historiciste et stationnaire platonicienne, complète les thèses marxienne et khaldounienne, en ce sens qu’elle définit les éléments universels du changement social, au lieu d’opter pour la préservation du statu quo et de la stagnation. Selon Popper, «l'historicisme a conduit aux totalitarismes. Plus particulièrement, il s'attache à critiquer audacieusement — grâce à une profonde connaissance des textes — trois philosophes reconnus : Platon, Hegel et Marx. Il leur reproche l'erreur fondamentale de présupposer sur une loi de l'évolution du monde : la décadence des choses réelles chez Platon, le développement de l'Esprit chez Hegel et la lutte des classes chez Marx» (Site académique-Académie de Grenoble). Pour Karl Popper, il y’a nécessité pour toute étude qui prône la rigueur scientifique, du recours à la «technologie sociale» ou l ’introduction de la critique et de la démocratie comme fondements de la Raison, qui doit se combiner à la «sociotechnique», c'est-à-dire une conjugaison des lois naturelles de la société et la création d’institutions susceptibles de protéger la critique et la démocratie, bref d’une structure étatique susceptible de garantir la maitrise des Sciences et de protéger la liberté de pensée et les droits de l’Homme.

photo de Carl Popper (ou stade suprême du relativisme , du rationalisme et du scepticisme issus des Lumières) !!!!!!!!

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+Les Etudes développant le concept de l’hyper-modernité qui se présentent comme alternatives aux thèses postmodernistes et qui sont représentées principalement par Gille Lipovetsky qui parle de l’ «ère du vide» et qui définit le new-libéralisme comme un « new-narcissisme » .

 Elles valorisent l’individu qui est capable selon les représentants de ce concept de résister à la mondialisation accélérée et au super-pouvoir médiatique.. De même que l’intellectuel n’est pas appelé à se sacraliser, mais à faire une critique de la réalité.. Le danger ne vient pas selon ces thèses de l’individu mais du marché et de l’Etat !

Si les thèses postmodernistes se présentent comme une critique ou remise en cause de la Modernité, les partisans de l’hyper-modernité prônent la consolidation et l’accélération de la Modernité..

III-)*Avènement de la "modernité", de la "post-modernité" et de l'"hyper-modernité" ou la "fin de l'Histoire":

Si la «modernité»(الحداثة) est issue de la philosophie des Lumières (Locke, Kant, Spinoza, Rousseau, Montesquieu, Descartes, Hegel), la «postmodernité»(ما بعد الحداثة) a connu deux étapes : la première , marquée par les apports critiques de Nietzsche et de Heidegger (remise en cause la «volonté de puissance» du rationalisme occidental engendrant des imperfections tels que : le colonialisme, le racisme, l’européocentrisme, le fascisme, l’antisémitisme), et la deuxième marquée par les critiques formulées par Foucault, Darida, Léotard, Vatimo ainsi que par les philosophes de l’Ecole de Francfort tels que Adorno et Habermas. Alors que l’hyper-modernité ( الحداثة الزائدة) entamée par Lipovetsky et Marc Augie qui relèvent l’importance que prend l’individualisme dans une société plus libertaire et plus critique à l’égard de la mondialisation accélérée, annonce l’amorce des risques liés : à la «fin de l’Histoire» (نهاية التاريخ ) , au temps chaotique (ازمن فوضوي وأعمى), à la catastrophe nucléaire (كارثة نووية), à l’emprise sur les Libertés des technologies d’Information et de Communication et à la révolution des nouveaux besoins…
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(1)Plus plus de détails sur la problématique de développement, voir notre ouvrage : « Crise financière internationale et problématique de développement économique » - Mars 2013
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