mardi 4 septembre 2018


L’illusion d’une «modernisation» de façade dont profitent exclusivement les riches dans l’un des pays les plus inégalitaires au monde

1°)La « poudre aux yeux » : 

Parmi les cartes qui ont été affectées à la consolidation de la légitimation politique par le nouveau pouvoir au début du nouveau règne, nous recensons :
a-L’initiative d’élaborer un nouveau code de la famille (مدونة الاسرة) pour créer de nouvelles conditions juridiques au statut à la femme marocaine ;

b-L’initiative relative aux droits de l’homme cristallisée dans le rôle et les actions de la Commission d’Equité et de Conciliation- (هيأة الانصاف و المصالحة ).

c-La consécration constitutionnelles de trois initiatives :
*l’amazigh devient une langue nationale et officielle ;

* l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes ;

* la mise à niveau des droits de l'homme avec les normes internationales;
d- l'engagement d'un programme dit "les grands chantiers" accompagné et couvert d'une campagne médiatique assommante et excessivement valorisante pour le nouveau régime.
A ces quatre initiatives spécifiques, s’ajoutent les directives royales de lier l’amazighité au projet annoncé de développement, de modernisation et de démocratisation du pays inscrit (suivant le discours officiel) dans la «modernité».
Notre appréciation de ces premières mesures se résume en deux points :
1-Malgré ces avancées séduisantes qui gardent pour l'essentiel leur caractère théorique et démagogique, l’unanimité des observateurs étrangers aient pu relever le «changement de cap à 180 degrés» du pouvoir makhzénien suite à l’espoir ressenti de voir le Maroc politique s’engager dans la voie de la modernité, de développement et de la démocratie au début du règne de Mohamed VI. Or les forces obscures aux visions égocentriques, réussirent à faire de la classe dirigeante du pays une nomenklatura soudée autour des lobbys fonctionnant au sein d’un système clientéliste fermé sur lui même, dont les représentants ne visent qu’à s’accaparer de plus de richesses et à rentabiliser leurs affaires sans se soucier des droits et des attentes du peuple marocain.
2-Il est à préciser en outre qu’il ne s’agit pas d’inscrire des orientations en termes de développement, de décentralisation et de régionalisation etc. dans le texte-même de la Constitution pour faire croire à leur relance et à leur mise en application !
Ce ne sont pas des discours et des productions littéraires et législatifs à caractère théorique qui font bouger et réformer les sociétés.
Les Sciences politiques ayant servi d’outils méthodologiques d’élaboration des Constitutions et des différentes institutions démocratiques fonctionnelles en occident (Europe et Etats-Unis en l’occurrence), nous enseignent que la discordance entre l’énonciation constitutionnelle (y compris par un chef d’Etat charismatique et de bonne volonté ) et la mise en œuvre de politique de réformes, constitue durablement un obstacle aux changements structurels et à la mise en œuvre d’une gestion rationnelle de développement, et seule une réelle volonté politique de l’ensemble des acteurs en présence (classe dirigeante, partis politiques, cadres de l’Etat, organisations de la société civile), pourrait permettre de dépasser le caractère théorique de ces énonciations constitutionnelles et juridiques.

2°)-Remarques et précisions d’ordre méthodologique sur les «grands chantiers» :

A propos des «GRANDS CHANTIERS» qui font l’objet d’éloge, voire de panégyrique de l’idéologie du pouvoir politique sur l’initiative des «groupes de pressions» motivée par la haute rentabilité pour accélérer leur enrichissement et consolider leur gestion hautement sophistiquée de partage des richesses nationales avec les multinationales et les bailleurs de fonds pétroliers, les précisions méthodologiques et hautement critiques suivantes s’imposent :
*-Première précision : Il est déontologiquement incompréhensible de constater que les grands propagandistes marocains de l’idéologie du pouvoir «plus royalistes que le roi» qui font le panégyrique excessif des «grands chantiers» (mass média privés et affiliés aux partis politiques, associations de la société civile), inscrivent ces «projets» et ces «chantiers» dans un éventuel programme d’innovation grandiose (couvert d’une campagne hautement médiatique et théâtrale), sans se permettre au moins de se donner à un exercice de comparaison avec les pays émergents, alors que ces «chantiers» servent à répondre tout simplement :
+ Soit aux besoins naturels de l’économie nationale, de l’évolution du PIB et de l’extension des revenus des marocains permettant plus généralement de combler le retard cumulé depuis l’indépendance en matière d’urbanisme et de développement d’infrastructure de base non créatrices de richesses ;
+Soit aux exigences procédurales et de rentabilité liées à l’expansion des loisirs et des services liés aux T.I.C. (Techniques de Communication et d’Information) imposées par les partenaires étrangers ( sociétés multinationales et «fonds d’investissement» arabes en l’occurrence ) dans le cadre de l’intégration obligée et nécessaire dans la mondialisation et qui ne font qu’accentuer les rapports de dépendance économique et financière ;
+Soit aux initiatives des groupes privés nationaux qui cherchent exclusivement à en faire des leviers de leur enrichissement sans prendre en compte la formation intrinsèque en hautes technologies des cadres nationaux et l’amélioration de la vie sociale des larges couches de la population du pays ;

*-Deuxième précision : Il n’y a pas de «développement durable» sans investissement dans le savoir qui doit engendrer obligatoirement la formation intrinsèque et absolue dans le domaine des technologies avancées : industries de base (métallurgie, chimie, sciences fondamentales , industries industrialisantes) créatrices de valeur et de richesses, et dans les nouvelles technologies exigées par la mondialisation (Technologies Numérique, d’Information et de Communication, technologies de Géo-localisation, biomédecine pour la préservation de la santé publique, cyber-agriculture, etc.), qui s’ajoutent aux possibilités d’user de ces technologies numériques pour consolider une bonne gouvernance nationale et locale, tels que la rationalisation de la gestion de proximité et le perfectionnement des techniques antifraudes du processus démocratique ( création de fichiers électroniques électoraux , des listes codées et des cartes de lecteurs sécurisées) qui permettraient d’accélérer la proclamation des résultats et de garantir leur crédibilité etc. ;
*-Troisième précision : Il n’y a pas «d’intégration maîtrisée» dans la mondialisation économique, financière et technologique, sur la base de l’extension des seuls secteurs d’activités consommatoires de rentabilité ( loisirs, tourisme, offshoring, secteurs de services nécessaires au fonctionnement de l’économie nationales et à la satisfaction des besoins naturels des consommateurs potentiels et des agents économiques nationaux et internationaux.) :
Si les «grands chantiers» incarnent la volonté de bonnes intentions, ils demeurent néanmoins des activités liées au volet consommatoire de la mondialisation économique et financière, sans déboucher (à moyen et à long terme) sur un réel développement durable, et sans profiter aux larges couches de la population marocaine et aux petites et moyennes entreprises qui sont écartées de la réalisation et des bienfaits limités de ces projets, en raison du fonctionnement perfectionné des réseaux complexes et bien gérés de clientélisme qui entourent le monde de l’octroi de leurs marchés dont bénéficient exclusivement quelques dizaines de familles richissimes qui dirigent les «groupes de pressions» et leurs satellites :
L’exemple des Emirats Arabes Unies(à l’instar de l’Arabie Saoudite), est l’illustration de modèle de développement des «grands chantiers». Ce pays qui met en jeux des montants d’investissements démesurés et faramineux pour développer les infrastructures liées essentiellement aux activités immobilières et de loisir à haute rentabilité en préparation de l’après pétrole, est jugée par les économistes futuristes occidentaux comme un «Etat-banque» assimilé à une nation «sous-développée» dirigée par des Emirs ancestraux, sans scrupule et sans culture politique (malgré son haut niveau de revenu par tête), en raison :
-Du caractère aristocratique (inégalitaire et non démocratique) du pouvoir ;
-De sa dépendance des sociétés multinationales qui se combine à la sous-traitance internationale des travaux, de la gestion informatisée de l’administration, des institutions financières, des marchés et des services;
-De la vente d’une grande partie du patrimoine immobilier de luxe achevé aux sociétés multinationales et aux milliardaires étrangers;
-Et de l’absence d’affectation d’une part élevée de son budget (par rapport au PIB) aux Recherches et Développement, à l’investissement dans le Savoir, à la formation scientifique et technique et à la maitrise des technologies avancées à la base du développement durable ( à l’instar des pays émergents et d’Israël ) !
*-Quatrième précision : Il n’y a pas de «transition énergétique et écologique», sans abandon d’une grande partie des énergies fossiles ( pétrole, charbon) grandes émettrices du gaz à effet de serre, sans que les nouvelles énergies propres ( voltaïque et éolien) représentent au moins 50% de la consommation nationale, sans le développement et l’application des normes de préservation de la santé publique dans les secteurs industriel et agricole, sans maîtrise du traitement et de la conversion des déchets industriels et ménagers, sans arrêt de la séquestration de l’environnement et du patrimoine forestier etc. ( l’éolien ne représente jusqu’à aujourd’hui au Maroc que 4,% de la production d’énergie nationale, le charbon, le fioul, et le gasoil réunis assurent plus de 52%, alors que les responsables nationaux et locaux n’ont pas encore trouvé de solution alternative aux problèmes de traitement des déchets industriels et ménagers. La séquestration des forêts qui subissent d’énormes pressions engendrées par l’élevage (huit fois supérieures aux normes internationales ) continue d’être imposée par les grands éleveurs et le pâturage sauvage, alors que l’utilisation des produits chimiques ou des insecticides dans l’agriculture et la pollution des eaux des rivières et des mers (empoisonnement des poissons), constituent de dangereux fléaux et des menaces réelles sur la survie des espèces et la santé publique etc. 

*-Cinquième précision : Au-delà de l’absence de développement durable, de déficience de la maîtrise technologique, de l’intégration dépendante et non maîtrisée dans la mondialisation, des drames écologiques (au lieu de transition écologique ), de l’accaparement des richesses nationales en l’absence de toute initiative publique et privée de réduire les énormes inégalités et de faire reculer le chômage ( voire la marginalisation) des jeunes etc., quels sont les effets structurels de la gestion de mauvaise gouvernance (voire d’incompétence) et de rentabilité (bien encadrée et totalement fermée aux compétences nationales issues du peuple) entreprise par les «groupes de pressions» et leurs satellites sur l’évolution des REVENUS des marocains ? et quelle est la part de l’Impôt sur le Revenu global payée par les familles richissimes au Maroc ?
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*- Concernant la définition des sources d’enrichissement de ces familles richissimes qui ont une mainmise quasi-totale sur les activités les plus rentables, il faut tout d’abord préciser que dans l’ensemble du monde arabe, les pays pétroliers (essentiellement rentiers et dépourvus de compétence en matière de conception de développement économique durable) tirent leur enrichissement vertigineux essentiellement des recettes du pétrole en l’absence d’investissement dans le Savoir et les secteurs hautement technologiques (sans aucune éthique de transparence des finances privées et publiques et sans respect de droit économique susceptibles d’être assurés démocratiquement par le parlement élu). Alors que dans les pays non pétroliers tel que le Maroc, les familles privilégiés tirent leur enrichissement essentiellement des Revenus de leurs citoyens à travers le fonctionnement des lobbys économiques, commerciaux et financiers, qui s’ajoutent au monopole sur l’exportation des biens et des richesses nationales de première qualité (agro-alimentaires, poissons, produits industriels de consommation etc.), en privant ainsi la majorité des citoyens de la consommation de ce qui est produit de meilleure dans le pays ( sans évoquer ici les menaces sur la santé des produits de première nécessité qui subissent un traitement -hors normes- des produits chimiques et des insecticides), contribuant ainsi à l’expansion des maladies chroniques et à l’élévation du cout de la santé publique supporté très partiellement par l’Etat et les larges couches de la population moyenne et pauvre du pays.
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Ahmed Saidy
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