samedi 29 septembre 2018



A-Présentation générale : fondements coraniques et extension du système de prohibition

Les critères fondamentaux d’appréciation et de prohibition des actes économiques et financiers prennent essentiellement leur source dans les extraits de versets coraniques suivants :

"الذين يأكلون الربى لا يقومون إلا كما يقوم الذي يتخبطه الشيطان من المس ذلك بانهم قالوا انما البيع مثل الربى-واحل الله البيع وحرم الربى"- (البقرة- 275)
« Ceux qui consomment (pratiquement) l’intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé. Cela, parce qu’ils disent : « le commerce est tout à fait comme l’intérêt usuraire ». Alors qu’Allah a rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt »(Coran II-275) - (130 "لا تاكلوا الربى اضعافا مضاعفة" ( ال عمران-
« Ne pratiquez pas l’usure en multipliant démesurément votre capital » (Le Coran-III- 130)
"ولا تاكلوا اموالكم بينكم بالباطل وتدلوا بها الى الحكام لتاكلوا فريقا من اموال الناس بالا ثم
وانتم تعلمون"-(البقرة- 188)
« Ne vous dépouillez pas injustement les uns les autres de vos biens, et ne vous en servez pas pour corrompre des juges ( autorités) pour vous permettre de dévorer une partie des biens des gens, injustement et sciemment »(Coran II-188)
"يا ا يها الذين امنوا لا تاكلوا اموالكم بينكم بالباطل إلا ان تكون تجارة عن تراض"
-(النساء-29)
« Ô les croyants, ne vous dépossédez pas les uns des autres de vos biens par des procédés malhonnêtes, mais qu’il y ait du négoce (transaction) librement consenti » (Coran IV- 29)
"يسا لونك عن الخمر والميسر قل فيهما اثم كبير ومنافع للناس واثمهما اكثر من من نفعهما---" "البقرة- 219)
« Ils t’interrogent sur le vin et les jeux du hasard ; répondez-leur : « dans les deux, il y’a grand péché et quelques avantages pour les gens. Mais dans les deux, le péché est plus grand que l’utilité… » (Le Coran : II – 219)
"يا يها الذين امنوا انما الخمر و الميسر والا نصاب والازلام رجس من عمل الشيطان فاجتنبوه لعلكم تفلحون" –(المائدة-90)
« Ô les croyants ! le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Ecartez-vous en, afin que vous réussissiez » ( le Coran : V-90)
"حرمت عليكم الميتة والدم ولحم الخنزير وما اهل لغير الله به
( 3 والمنخنقة والموقودة والمتردية والنطيحة---" (المائدة–
« Vous sont interdites la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d’Allah, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne(Le Coran V- 3)
Le Prophète :
"من احتكر فهو خاطئ" (رواه مسلم) –
« Quiconque pratique la spéculation est fautif ( Rapporté par Muslim )
"من دخل في شئ من اسعار المسلمين ليغليه عليهم- كان حقا على الله ان يقعده بعظم من النار يوم القيامة"
(رواه احمد ) -
« Quiconque contribue à renchérir les denrées, est exposé aux sanctions de Dieu en enfer » ( Rapporté par Ahmed )
"لا ايمان لمن لا امانة له –ولا دين لمن لا عهد له" (رواه احمد ) –
«Pas de foi pour celui qui ne remplit pas la mission qui lui a été confiée, et pas de croyance pour celui qui ne tient pas promesse » ( Rapporté par Muslim )
"من حمل علينا السلاح فليس منا ومن غشنا فليس منا"
( رواه مسلم ) –
«Quiconque s’oppose à nous par les armes n’est pas des nôtres, quiconque procède à la tricherie n’est pas des nôtres » ( Rapporté par Abu Dawoud )
"ا نا الله حرم الخمر وثمنها –وحرم الميتة وثمنها –وحرم الخنزير وثمنها"-
(رواه ابو داود)
« Dieu a interdit le vin et sa valeur (prix), interdit la chair de la bête trouvée morte et sa valeur, et interdit la chairdu port et sa valeur » ( Rapporté par Abu Dawoud

Ce qui constitue l’apport théorique et méthodologique spécifique de l’islam à l’économie en général, c’est la définition rigoureuse et claire d’une frontière entre les critères de perfectionnement de l’économie et de la finance capitalistes d’un côté, et les déviations ou perversions éventuelles que pourraient engendrer ces critères au niveau des relations sociales entre les différents acteurs économiques de l’autre : il s’agit précisément d’un système de prohibition d’un nombre limité d’actes économiques qui nuisent aux honnêtes agents économiques ( utilisateur et consommateur), tels que :

- les actes non librement consentis ;
- les actes usuraires ( « Riba » ) ;
- les gains additionnels réalisés au-delà des normes
légales ;
- les gains à caractère fictif et improbable etc.
- Les actes entachés de malhonnêteté ;
- l’investissement dans des activités prohibés explicitement par le Texte et qui constituent des perversions sociales, telles que l’alcool, la drogue, les jeux du hasard, l’armement, la prostitution, le proxénétisme etc.

L’apport économique et financier par excellence de l’éthique islamique (en rapport avec la dynamique et la crise capitalistes) se résume essentiellement dans le principe suivant : ni l’écoulement du temps, ni l’argent en soi, n’engendrent de la richesse . Pour créer de la richesse et de la valeur, d’autres éléments sont nécessaires qui doivent transformer l’argent en capital productif, tels que le travail et le progrès technique en l’occurrence.
Les principes de prohibition islamiques, tout en étant des recommandations de bon sens, excluent grosso modo, les situations négatives qui sont tout à fait incompatibles avec les normes de production et de consommation élaborés en occident, destinées à protéger le consommateur des abus et de la malhonnêteté des fabricants, des distributeurs et des financiers ;
Les critères ( ou concepts fondateurs) de nature sociale et morale qui conditionnent les activités économiques et financières et qui expriment les actes prohibés par l’islam, sont complexes et variés.

B- Principes économiques généraux de la « Loi » islamique

- Prohibition de « RIBA » ( الربى ) : 

correspond au terme français de l’usure, de tout acte usuraire qui suppose un gain d’intérêt excessif ou supérieur aux normes légales en vigueur ;
C’est le point le plus problématique des prohibitions islamiques, en ce qu’il pose sérieusement des problèmes complexes d’application à la finance conventionnelle : la perception d’intérêt sans introduction de facteur de production, sans efforts apparents et surtout sans risque !, auxquels s’ajoutent l’état de pression (حالة الضغط ) et l’absence de consentement de l’emprunteur sur le taux et les charges pesantes d’intérêts !

- Prohibition des Actes incompatibles avec les bonnes mœurs :

 Ils s’agit de la prohibition de tout investissement ou de placement dans les secteurs incompatibles avec les obligations morales, tels que la pornographie, le proxénétisme, l’armement, la drogue etc. ;

- Prohibition des Actes annoncés explicitement par le Texte comme illicites (haram- حرام) :

 L’alcool, l’élevage et la consommation du porc , les jeux du hasard..

-Prohibition des Actes de spéculation (الا حتكار) : 

 tout gain additionnel au prix légal ou fixé conformément aux règles en vigueur du marché, reçu dans une situation de pénurie, ou de rareté, tout en jouant sur l’écoulement du temps et tout en l’ôtant à l’offre immédiate ;

-Prohibition de tout gain additionnel issu d’une transaction non librement consentie (صيغة رضى الجانبين ), conformément aux verset coranique :

2 –النساء- « إلا ان تكون تجارة عن تراض منكم- ( le commerce « doit être fondé sur le consentement mutuel»-le Coran IV-29 ), et au dire du Prophète :- «انما البيع عن تراض»- :’ « toute transaction doit être librement consentie » ; Ce qui exclut par conséquent toutes les situations de faiblesse dont lesquelles pourraient se trouver les parties prenantes, telles que l’état de pression (الاضطرار ), l’inexpérience ou tout simplement l’ ignorance du caractère malhonnête de la transaction,

-Prohibition de tout gain d’intérêt sur la base exclusive de l’écoulement du temps:

 intérêts sur prêts d’une somme d’argent. Un tel principe met la finance et le système bancaire dans une situation paradoxale, face à la norme fondamentale de l’économie islamique de « l’argent n’engendre pas de la valeur » sans qu’il soit combiné au travail et à d’autres facteurs de production.
Par rapport à cette question d’actualité, la plupart des juristes islamiques vivant dans les pays arabo-islamiques qui optent pour l’application relative des dispositions du droit positif, ont annoncé ( y compris sous la forme d’une recommandation juridique dite la « Fatwa ») une distinction très nette entre les intérêts sur « prêt à l’investissement » ( dont le prêt pour acquisition du logement) qu’ils ont validés comme licites et les intérêts sur « prêt à la consommation » qu’ils maintiennent comme gains prohibés et incompatibles avec la Loi et la Jurisprudence islamiques ;
De même que l’ijtihad islamique a établi le principe de «la nécessité annule la prohibition» ( الضرورات تبيح المحظورات) : cas du prêt pour acquisition de logement et de tout prêt pour une stricte nécessité, excluant obligatoirement un accord non librement consenti et les effets néfastes d’un lourd endettement.

- Prohibition des activités qui fondent les gains éventuels et probables sur l’incertitude ( الغرر) , 

tels que les gains émanant du commerce des jeux du hasard- الميسر والقمار)), ou sur le caractère fictif الشيئ الغير الحاضر ) ) du gain concerné.)

- Obligation du partage équitable de tout gain et de toute perte au sein d’une unité de production ou dans le cadre d’une transaction donnée : 

Un patron d’une unité de production doit contribuer à supporter les pertes engendrées par l’activité comme il acquiert le droit de recevoir le gain qui lui est du, sur les bénéfices réalisés par l’entreprise concernée. Il s’agit d’une nécessité de participation de toutes les parties prenantes à une activité aux gains et risques(pertes) : système participationniste (Acharaka - « الشركة »).

C- Statut de la propriété : légitimation de l’appropriation et purification des richesses

A l’instar du droit économique et foncier conventionnel, l’économie islamique distingue la propriété individuelle ( الملكية الخاصة ) et la propriété publique ( الملكية العامة ) .

1°)-La propriété ( individuelle ) privée

Pour l’économie islamique, il s’agit de la propriété acquise suivant des moyens légitimes et non seulement suivant les règles d’acquisition légales héritage, accumulation des richesses etc.).
Si le propriétaire d’un bien est en droit de jouir des bienfaits de sa propriété acquise suivant les règles légales conventionnelles, cela ne lui donne pas la légitimité totale d’en tirer un réel bénéfice si les conditions d’acquisition et le statut d’une telle propriété sont jugés illicites (suivant les principes de prohibition islamiques), telles que l’alcool, les jeux du hasard, la malhonnêteté, l’expropriation forcée et illégitime, l’abus du pouvoir ou de tout acte prohibé explicitement par le Texte , conformément au verset coranique :

"ولا تاكلوا اموالكم بينكم بالباطل وتدلوا بها الى الحكام لتاكلوا فريقا من أموال الناس بالا ثم وأنتم تعلمون"(البقرة-188) « Ne vous dépouillez pas injustement les uns les autres de vos biens, et ne vous en servez pas pour corrompre des juges ( autorités) pour vous permettre de dévorer une partie des biens des gens, injustement et sciemment » ( Coran II – 188),
Et au dire du Prophète :
« لا يحل مال امرئ مسلم إلا بطيب النفس منه »
« La jouissance d’une richesse ne peut être légitime, que si elle est acquise dans les conditions de pureté de l’âme et de bonne conduite » (Rapporté par Alboukhari).

De même que l’islam instaure une égalité explicitement absolue entre les hommes et les femmes en matière d’acquisition des biens pour leur donner le droit d’en jouir pleinement et librement (32"للرجال نصيب مما اكتسبوا وللنساء نصيب مما اكتسبن"-(النساء-
« Aux hommes la part qu’ils ont acquise, et aux femmes la part qu’elles ont acquise » ( le Coran IV- 32)
A ce double niveau légale et légitime, la communauté ( الامة) et les «détendeurs du commandement» (اولياء الامر ), ont l’obligation de protéger la propriété de chacun et de permettre aux acquéreurs effectifs d’en jouir pleinement et librement.
Au-delà du caractère légitime de la propriété défini conformément aux principes islamiques de la licéité, le musulman a le devoir de « purifier » ses biens et ses richesses au moyen de la « Zakat » ; La Zakat est l’un des cinq piliers de l’islam ( اركان الدين) : Il s’agit d’une contribution ( ou restitution d’une partie de biens à Dieu ) qui a une signification hautement symbolique et spirituelle en ce qu’elle permet de purifier les richesses et biens acquis et en légitime la jouissance ;
· Soit à titre individuel, conformément au dire du Prophète :
(رواه الشهاب)«حصنوا اموالكم بالزكاة » « Protégez (mettez à l’abri) vos richesses au moyen de la Zakat » (Rapporté par Achihab)
· Soit par l’intermédiaire du pouvoir public ( Le Coran s’adresse ici au Prophète), conformément au verset coranique :

(103(التوبة- «خذ من اموالهم صدقة تطهرهم وتزكيهم بما وصل عليهم»
« Veuillez prélever (percevoir) un don (aumône) sur leur richesse en vue de les purifier et les bénir .. » ( Le Coran IX – 103 ).

2°)- La propriété publique ou collective

L’économie islamique distingue deux types de la propriété collective et publique :
-Toute la richesse naturelle non possédée et non acquise à titre privé par les individus vivant au sein de la communauté ( eau, forêt, terre, matières premières, minerais etc. ) ;
-et les "biens publics" ( toute sorte d’édifices à caractère administratif ou religieux ) ainsi que la finance «publique » (anciennement dite : «Beit Mal Almouslimine») gérés par les «détenteurs de commandement» ( اولياء الامر) , ou qui sont soumis à l’exclusive autorité de la « Khilafa islamique » telle qu’elle fut élaborée et gérée postérieurement à la mort du Prophète.
Du point de vue de l’islam orthodoxe, et qui incarne particulièrement le mode de gestion des « Khalifes bien guidés »(خلفاء الراشدون ), la gestion des biens publics ou collectifs, est fondée théoriquement sur deux principes :
-La Richesse appartient à Dieu (المال مال الله ), c’est-à-dire revient légitimement au peuple ; ce qui rend illégitime toute possible constitution de privilèges au profit de « ceux qui détiennent le commandement » ou « Khalifes » (اولياء الامر- الخليفة ) ; le Coran

-* ) 33 واوتوهم من مال الله الذي اتاكم"( النور : « Donnez-leur des Biens d’Allah qu’il vous a accordés » ( le Coran XXIV- 33)
-*(7"كي لا يكون دولة بين الاغنياء منكم" (الحشر- : «A fin que les biens ne circulent pas parmi les seuls riches d’entre vous..» -(Le Coran XIL- 7)
-La gestion des biens publics, suppose la totale neutralité des « détenteurs de commandement » - -(اولياء الامر ) de groupes sociaux influents en présence, comme elle recommande une répartition équitable de la finance ( dont la Zakat – مصا رف الزكاة- ) entre les sujets de la communauté et l’instauration d’une couverture sociale - الضمان الاجتماعي) élargie, sans gaspillage et dans le cadre d’une parfaite concertation :
Le Coran :
* (141 (الانعام- "و لا تسرفوا انه لا يحب المسرفين"

*«Et ne gaspillez point, car Il n’aime pas les gaspilleurs»-Le Coran VI- 141) – ( 159 ال عمران-

*" ان الصدقات للفقراء والمساكين والعاملين عليها والمؤلفة قلوبهم وفي الرقاب والغارمين (60 في سبيل الله وابن السبيل فريضة من الله والله عليم حكيم"-( التوبة-

« Les dons (aumônes) ne sont destinés que pour les pauvres (dépossédés), les indigents, ceux qui y travaillent, ceux de bon cœur, l’affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier de Dieu, et pour le voyageur (en détresse). C’est un décret d’Allah ! et Allah est Omniscient et Sage » (Le Coran IX-60)

*(- 7 –الحديد -"وانفقوا مما جعلكم مستخلفين فيه )

(«Dépensez de ce qu’Il vous a confié la charge»- (le Coran LVII – 7) ;

-Il est à noter qu’on ne peut traiter ici la question de l’hérédité (fondée théoriquement sur des principes explicites du Coran), en raison des multiples combinaisons complexes des cas qu’elle suppose..

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