samedi 29 septembre 2018


-La mise à l’épreuve du principe fondamental islamique de «l’argent ne crée pas la valeur et la richesse», à la lumière des théories monétaires modernes : le défit théorique islamique de la RIBA

Le principe de « l’argent ne crée ni valeur ni richesse » que l’économie islamique oppose au fonctionnement du capitalisme financier, trouve son fondement théorique aussi bien dans la pensée économique libérale classique que dans l’explication marxiste des crises économiques et financières.
En effet, le rapport de la monnaie à l’économie réelle, fut l’objet d’études et de recherches tout au long de l’histoire de la formation de la théorie économique occidentale. Il s’agit de répondre à la problématique du statut et du rôle de la monnaie dans la dynamique économique réelle : niveau des prix, évolution de l’investissement et de l’épargne, production et consommation etc., ou en d’autres termes, si la monnaie fonctionne comme élément endogène ou exogène (neutre) par rapport l’économie réelle, ou si elle un impact sur la dynamique économique et donc sur le processus de création des richesses.
En dehors des règles de prohibition à caractère social et moral que recommande l’économie islamique en se présentant comme un système économiquement, socialement et financièrement correct, le fondement théorique du principe islamique de « l’argent ne crée pas la richesse » ( prohibant la RIBA ) par rapport au débat théorique et méthodologique qui a prédominé les recherches en sciences économiques depuis le 16ème siècle jusqu’à la première moitié du 20ème siècle en Europe, trouve son chemin dans la première Ecole de l’économie classique qui attribue un rôle « exogéneiste » à la monnaie dans la dynamique économique en général.
La méthodologie de l’économie classique qui considère la monnaie comme étant neutre par rapport à la dynamique et à l’accroissement des richesses économiques, commence avec J. Bodin (M. 1596), pour se terminer par le célèbre économiste ( prix Nobel 1976 de l’économie) M. Friedman, en passant par le fondateur incontesté de l’économie politique capitaliste D. Ricardo (M. 1823) et le grand théoricien de la « théorie quantitativiste » J. B. SAY (M. 1832).
Pour Friedmann, les changements qui interviennent au niveau de l’activité économique, suite à un accroissement de la masse monétaire, ne constituent qu’une illusion qui frappe les agents économiques. Une telle illusion des variations de l’activité économique, ne fonctionne qu’à court terme, puisqu’elle conduit automatiquement aux phénomènes inflationnistes à long terme, reflétant ainsi les limites des politiques économiques utilisant la monnaie comme moyen de régulation économique et financière.
Face à ce patrimoine théorique incarné par l’économie classique et approfondi par M. Friedmann et J. Rueff, ni Wicksell (M.1926), ni le célèbre théoricien J.M.Keynes ( M. 1946), ni Myrdal ( M. 1987), qui défendaient inutilement le rôle de la monnaie dans la régulation et la variation de l’activité économique, n’ont réussi à atténuer les bases théoriques de la méthodologie « exogénéiste » de la la monnaie, celles qui furent élaborées par les grands fondateurs de l’économie politique classique, puisque la crise du capitalisme financier n’a pas cessé de s’aggraver depuis la deuxième moitié du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui, en dépit des apports externes d’argent à l’économie par les Etats et les institutions internationales. L’exemple du krach boursier de la crise des « subrimes » aux Etats-Unis depuis 2006, témoignent des limites théoriques des interventions de type inflationniste ou monétariste pour solutionner les crises du « capitalisme financiarisé».
Ainsi, le point de vue de la théorie économique universelle, qui voit dans l’utilisation de la monnaie ( par le biais des politiques économiques des Etats, de l’intervention des banques centrales et des institutions internationales) une illusion pour remédier à la crise structurelle dans laquelle s’enfoncent (particulièrement depuis 2007) le capitalisme financier et l’économie internationale, réconforte parfaitement et légitimement la doctrine économique islamique qui nie toute possibilité de création de valeur et de richesse par l’utilisation du seul paramètre de l’argent., ce qui donne un double fondement théorique et éthique au principe islamique de prohibition de la RIBA.

- Doctrine économique islamique et l’option nouvellement adoptée de l’ I. S. R. (Investissement Socialement Responsable) :

Nous assistons dans beaucoup de pays industrialisés développés, à l’expansion des secteurs d’activité dits I. S. R. qui découvrent enfin en parfaite conformité avec l’économie islamique une possible et nécessaire déontologie d’une économie propre et saine, en optant pour l’introduction des critères à caractère social et environnemental dans leur stratégie de développement.

Deux tendances se dégagent de ce nouveau monde de l’ I. S. R. :
- Celle qui cherchent à orienter l’investissement sous la triple contrainte :
- du respect des règles éthiques de l’économie et de la finance ;
- de la protection de l’’environnement ;
- et d’optimisation de la gestion économique.

Une telle orientation conforte les principes généraux islamiques qui excluent donc tout investissement dans les activités prohibées par l’économie islamique, en particulier, celles qui ont un impact négatif sur la nature et la santé publique ;
- Celle qui opte pour le « développement durable », c’est à dire qui cherche à concilier l’optimisation des facteurs de croissance à long terme (capital, travail, progrès technique etc.) ainsi que la préservation de l’environnement avec les critères équitables d’ordre économique et financier, permettant surtout d’orienter les investissements compte tenu de la nécessité de préserver les intérêts des générations futures.
Autres projets ambitieux élaborés par les puissances industrielles à l’ère de la nouvelle révolution technologique et qui sont compatibles avec les recommandations de l’éthique islamique :
les pays européens se sont engagés fermement pour réaliser la double «transition énergétique et écologique» orienté vers le développement des «énergies propres» ( éolienne, photovoltaïque en l’occurrence) en réponse aux contraintes liées aux effets de serre, à la gestion difficile et coûteuse des déchets radioactifs, à l’impact nocif des particules du diesel, du charbon, et des différents gaz dégagés par l’industrie sur la santé publique et l’environnement etc.

F- Remarques sur l’impossible compatibilité des fondements de la doctrine économique islamique orthodoxe et les principes de l’économie politique capitaliste d’obédience libérale :

1- L’orientation méthodologique de la pensée économique libérale capitaliste ( prônant l’efficacité, la rentabilité et la productivité en soi) qui légitime le « darwinisme économique et social », ne peut admettre l’élaboration d’une « science économique et financière islamique » ( fondée sur les principes d’ordre moral et social définis par la Chariâ et les recommandations jurisprudentielles théologiques émises par les Ecoles Juridiques ), que si elle fonctionne indépendamment des principes déontologiques de justice sociale et de l’éthique ;
2- De même que la « finance islamique » théorique devient pragmatiquement incompatible avec les principes idéalistes du fonctionnement de la « finance capitaliste » prônant l’illusion de « l’argent engendre la valeur et la richesse », et visant des gains fictifs sur la base exclusive de l’écoulement du temps ; Les banques islamiques actuelles ne font que détourner les objectifs de la finance capitaliste des règles déontologiques islamiques orthodoxes, en cautionnant les critères de rentabilité établis par les banques classiques.
3- Les techniques financières de substitution des charges de crédit aux intérêts sur prêts (pratiquées par les « Banques Islamiques ») est une «gestion de camouflage» du caractère islamiquement illicite des opérations effectuées, puisque les objectifs de la rentabilité et du bénéfice ( en tant que RIBA déguisée ) demeurent les critères de motivations de base.
Pour conclure sur la finance islamique actuelle, elle permet par un « tour de prestidigitation » de confirmer et de consolider les objectifs financiers capitalistes de rentabilité par des moyens islamiques. Seul le vocabulaire change, la « Riba » reste !
4- Les principes islamiques fondés sur le travail et la production réelle sont incompatibles avec le processus irréversible de la « dématérialisation » et du caractère électronique de la monnaie développés dans le cadre du capitalisme financier moderne, si l’ensemble de ces techniques informatiques sont utilisées pour gonfler la masse monétaire artificielle sans contrepartie en termes de création de richesses réelles .
5- La « consommation halal », définie uniquement sur la base des conditions de l’abattage rituel et qui ne prend pas en considération les conditions préalables de production des biens concernés ( viande ou divers articles ), est une innovation capitaliste pour intégrer l’éthique économique islamique au fonctionnement du système libéral dominant axé sur l’objectif de la rentabilité, faisant du musulman le consommateur idéal pour atténuer la baisse tendancielle du taux de profit.

G- Convergence de la doctrine économique islamique (monnaie, valeur et travail) et la théorie marxiste de la valeur et de la marchandise en opposition au « darwinisme » économique et social du mode de production capitaliste :

Deux grandes Ecoles de pensée ont dénoncé la philosophie capitaliste qui prône la création artificielle des valeurs en reproduisant en permanence l’illusion du dogme de « l’argent engendre la valeur, la richesse et la productivité générale » :
* La « doctrine économique islamique » orthodoxe, tout en étant armée d’une philosophie égalitariste et de justice intègre des jugements de valeur et des préférences d’ordre moral et social au bon fonctionnement de l’économie et de la finance, non pas comme des éléments isolés et arbitrairement élaborés, mais comme faisant parties intégrantes d’un système global qui se veut économiquement, socialement et financièrement sain et correct.
A l’instar de la théorie marxiste, elle remet fondamentalement en cause , aussi bien l’illusion du dogme idéaliste capitaliste de « l’argent engendre la richesse », en valorisant le travail et en prohibant les déviations aliénantes de l’économie marchande, que l’idéologie capitaliste qui prône les inégalités sociales comme ordre naturel..
La doctrine économique islamique qui vante l’économie réelle et productive tout en avançant l’argument central de l’argent ne crée ni valeur ni richesse, dénonce la spéculation et valorise le travail et les normes morales de la gestion sociale de l’économie ; il s’agit à notre avis d’une « doctrine économique » et non d’une « science économique » car elle fait référence à priori à des jugements de valeurs (à dominante sociale et morale) dans l’analyse et la résolution des problèmes économiques ;
* la théorie économique marxiste ne se contente pas seulement d’analyses et d’interprétation isolées des crises économique et financière, mais elle incarne l’Ecole méthodologique qui remet en cause aussi bien les contradictions fondamentales du capitalisme en tant que mode de production historique et non éternel ( dont le fonctionnement est fondé inéluctablement sur la logique du développement inégal engendrant développement et sous-développement à l’échelle internationale, et dont la reproduction ne peut être assurée que sur la base de l’exploitation du travail par le capital, de la production de la plus-value et de la réalisation du profit), que de ses fondements philosophiques prônant cette exploitation comme ordre naturel ;
La théorie économique marxiste (qui est en même temps une doctrine, en ce sens qu’elle combine des techniques analytiques économiques et des préférences politiques égalitaristes), qui développe une méthodologie systématique et critique à l’égard du fonctionnement et des lois capitalistes, fondé sur le développement inégal , considère que seul le travail constitue la source de la valeur ( de la plus-value ), du profit, de la richesse et donc du bien être général.
Pour la doctrine économique islamique orthodoxe aussi bien que pour la théorie économique marxiste, c’est cette illusion de « l’argent crée la richesse » qui est au fondement même de la crise du capitalisme. Seules la valorisation du travail, la moralisation générale des actes socioéconomiques et la prohibition des déviations et perversions sociales aliénantes du « darwinisme social » du capitalisme financier, pourraient permettre la réalisation du progrès réel , de la justice sociale et du bien être général, dans le respect d’une vraie liberté et de la dignité de l’homme.







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