mardi 4 septembre 2018



Le Hirak Arrif ou la grande épreuve d’exercice démocratique de l’Etat marocain : Les paradoxes engendrés par le nœuds socio-économique, politique et culturel complexe engendré par le HIRAK ARRIF et l’échec des dirigeants politiques marocains à pouvoir le solutionner conformément aux exigences de la démocratie et de la modernité 

Il faut tout d’abord préciser que la pratique démocratique ne se limite pas seulement aux discours théorique et rhétorique parrainés par des gouvernants sans scrupules et couverte par une campagne médiatique assommante et intoxicante qui camoufle toutes les contradictions et les distorsions de la société marocaine. La démocratie est une pratique et un exercice quotidien nécessitant de la volonté, de la souplesse et de l’imagination face aux revendications exprimés légitimement par le peuple. C’est l’Etat qui doit fonctionner et agir au service du peuple et non l’inverse…
A ce niveau problématique posé par le Hirak Arrif, les dirigeants politiques de l’Etat marocain, ont obtenu jusqu’ici de très mauvaises notes en matière de traitement négocié et de pratique démocratique susceptibles de déboucher sur des solutions honorables pour le pays.
•Pour la première fois depuis une quinzaine d’années, le pouvoir politique au Maroc affiche un échec cuisant face au problème (à caractère multidimensionnel) engendré par la fermeté et la permanence du Hirak Arrif.
•Sans être révisionniste ou opportuniste, et quelque que soit le fondement idéologique des différents belligérants (Etat latent– الدولة العميقة- et les représentants du Hirak), nous affirmons sans autocensure que la pathologie politique qui oblige les représentants de l'Etat historique -الدولة العميقة- à placer nécessairement la logique implacable du pouvoir dissuasif de l’Etat (هيبة الدولة) au dessus de toute autre considération au point de toucher aux limites du despotisme politique, ne peut et ne doit en aucun cas solutionner durablement les problématiques fondamentales liées au développement économique et à la démocratie politique.
•Néanmoins, la responsabilité incombe fondamentalement aux dirigeants du pays qui manquent d’imagination dans cette affaire : Ils se bornent à croire que le peuple n’a pas beaucoup de choses à dire sur les implications de leur mauvaise gouvernance et sur le développement socio-économique foncièrement inégalitaire entre différentes couches de la population et entre différentes régions du pays. Il s’agit là d’un signe d’incompétence.
Pire encore, ils jouent avec le feu en usant (au moyen d’une campagne médiatique intoxicante) des contre-paramètres historiques et politiques qui se contredisent avec l’unité du peuple marocain au sein d’une société unie aux composantes amazighe et arabe. Le séparatisme et l’antipatriotisme nourris souvent de l’amazighopbie à l’égard des Rifains ne font qu'accentuer les distorsions et retarder le  développement du pays. Il s'agit de contre-innovations politiciennes qui visent curieusement et paradoxalement des populations marocaines dont les parents et les ancêtres furent les champions incontestés du combat pour l’indépendance du pays!
•Autres confusions nourries par les dirigeants du pays :
-La première : Tout le monde reconnait aujourd’hui qu’il y’a eu négligence et mauvaise gestion dans la réalisation du projet dit «Alhoceima Manarat almoutawassit» et le report sine die des différents projets au cours des campagnes électorales (législative, communale) en 2016 qui s’ajoute au blocage de la formation du gouvernement pendant une période de 6 mois, ne sont pas des raisons suffisantes pour justifier de telles défaillances. «Et pourtant la terre ne tourne pas» ou pour reprendre un proverbe arabe : « - واخا طارت معزة-» : Les dirigeants du Hirak sont toujours opprimés et soumis à l’embargo sécuritaire, voire inculpés et jetés en prison, même si les raisons du déclenchement des mouvements sont définies et reconnues par les pouvoirs publics et les responsabilités sont identifiées par la haute sphère de l’Etat ! Il s’agit là du crédo implacable et injuste fondé sur la «logique» de «deux poids deux mesures» !
-Deuxième confusion : Les commissions d’enquête désignées pour faire la lumière sur cette affaire ont été confiées à des structures qui agissent dans un cadre juridique interministériel et non à un organisme indépendant des ministères concernés, tel que la Cour des Comptes par exemple. Suivant cette procédure, les enquêteurs (qui font parti de l’appareil administratif des ministères des finances et de l’intérieur) ont l’obligation de remettre entre les mains du ministre de tutelle lui-même (qui devient juge et partie) le compte rendu de leur enquête. Plus gravement encore, aucun ministre n’a le droit d’interroger un autre ministre ni de procéder à des fouilles dans ses locaux. Les ministres ne sont contrôlables que par le Roi (*). C’est le ministre de tutelle (qui pourrait avoir une responsabilité dans l’affaire concernée) qui remet lui-même le compte rendu au chef du gouvernement qui le transmet à son tour au ministre de la Justice. Celui-ci le soumet finalement à l’instance d’«annyaba alâamma» (النيابة العامة) ou le ministère Public.
Vu le cadre procédural restreint évoqué et en l’absence de PUBLICATION DU REGLEMENT INTERIEUR DE L’ARTICLE 94 de la CONSTITUTION, le POUVOIR JUDICIAIRE ne pourra pas poursuivre pénalement(*) les ministres impliqués et c’est «la montagne qui accouchera d’une souris». Une seule issue demeure probable en dehors de sanctions pénales : la constitution d’un nouveau gouvernement et le renvoi des ministres impliqués dans l’affaire du projet «Alhoceima Minarat Almoutawassit»..
-Troisième confusion : Il s’agit de l’attitude curieusement paradoxale des dirigeants sécuritaires qui mettent en valeur (vis-à-vis des médias et du public) une fausse fermeté posant la nécessité de maintenir la «dissuasion autoritaire de l’Etat» (هيبة الدولة) d’un côté, et d’orchestrer tout un programme de négociation secrète (par l’intermédiaire des personnalités soigneusement désignées) avec les dirigeants du Hirak (en l’occurrence Zefzafi en prison) de l’autre.
-Quatrième confusion : le paradoxe flagrant rapporté par l’ensemble des médias nationaux et internationaux entre les droits prévus par la Constitution en matière de liberté de manifestation et d’expression (en particulier ceux prévus à l’article 27) ET le caractère oppressif et hautement sécuritaire (militarisation de la région d’Alhoceima et blocus systématique mis en place à la veille des jours de manifestation) par les forces de l’ordre à l’encontre des mouvements pacifiques du Hirak.
Ce paradoxe risque indéniablement de dévaloriser tous les efforts déployés depuis 2001 pour assurer durablement la paix sociale et préserver les libertés fondamentales et de remettre en cause les droits apportés et garantis par la Constitution de 2011.

Quelles initiatives fonctionnelles et réalistes pour solutionner équitablement les problèmes posés par le Hirak Arrif?

Comme nous l’avons indiqué dans un texte publié précédemment, les initiatives et les solutions fondées sur la rhétorique et les discours démagogiques, tels que les réunions de salons, les pourparlers interminables orchestrés par les membres du gouvernement qui n’étaient même pas capables jusqu’ici de s’asseoir à la table des intéressés du Hirak (qui s’ajoutent au souhait d’une éventuelle grâce royale en faveur des inculpés et des condamnés), ne déboucheront probablement pas sur des solutions fiables et durables aux problèmes complexes de la population du Rif.
Seule une politique de développement globale qui prendrait en compte l’ensemble des mesures (ou initiatives) d’ordre économique, culturel et social, susceptibles d’agir efficacement et durablement sur le niveau de vie, le travail et la formation des populations marginalisées à l’origine du déclenchement des mouvements concernés, demeurent réalistes et plausibles.
Parmi les initiatives relevant du réalisme et du bon sens, nous préconisons pour la région du Rif :

1-La première est une condition sine qua non à l’ouverture d’un dialogue constructif qui permettrait d’ouvrir la voie à la concertation entre les différents belligérants (pouvoirs publics, représentants de la société civile et représentants du Hirak). Elle est en même temps la clef du rétablissement de la confiance et de l’apaisement des esprits. Il s’agit de trois initiatives urgentes pour débloquer la situation et éviter le dérapage des mouvements populaires sur place : 1-) la libération des inculpés et des prisonniers suivant la solution constitutionnelle -article 58- de la grâce royale (en l’absence d’autre instance compétente dans ce domaine) ; 2-) la levée du blocus militaire et sécuritaire sur la ville d’Alhoceima ; 3-) la constitution d’une commission indépendante qui serait chargée de déterminer les responsabilités et d’établir les éléments probants qui permettraient à la justice de prendre les mesures de sanction qui s’imposent à l’encontre des autorités régionales ou ministérielles ayant commis délibérément ou par négligence les irrégularités en matière de gestion des affaires locales de la région du Rif.
De telles irrégularités ont été formulées tardivement et paradoxalement par l’homme politique originaire de la zone d’Alhoceima et très proche du makhzen politique : Ilias El’Ômari- الياس العماري))
2-Deuxième mesure : Il faut nécessairement sortir du cadre officiel et makhzénien pour engager des négociations avec les représentants du Hirak : Seules des personnalités indépendantes issues du monde politique de l’opposition et de la société civile sont en mesure de mener des négociations efficaces et rétablir la confiance entre les deux belligérants (Etat et Hirak) ;
3-Troisième mesure : La nécessité posée de développer une zone industrielle élargie et dotée d’une infrastructure portuaire à la hauteur des exigences modernes du développement durable, en tant que mesure globale et alternative aux activités informelles (commerce du hachich, marché noir et émigration sauvage vers l’Europe), susceptible de remédier significativement au fléau du chômage et de réduire efficacement les inégalités et la pauvreté dans la région du Rif.
L’infrastructure portuaire doit prendre en compte les droits historiques des pêcheurs multiples (qui ont été écartés par la mafia locale de la pêche, à l’origine de l’assassinat de Mohssine Fikri ) qui doivent se conjuguer au financement des équipements de pêche en leur faveur ;
4-Quatrième mesure : La création d’un fonds spécial pour :
*-Financer des recherches en vue de solutionner pratiquement (et suivant un contrôle continu et transparent) le problème sanitaire qui fut engendré durablement par l’utilisation des armes chimiques au temps de la guerre du Rif contre les occupants espagnol et français ;
*-Doter l’hôpital oncologique d’Alhoceima d’équipements médicaux avancés et de personnel qualifié qui répondraient durablement et en urgence aux besoins de la population touchée par les maladies (différentes formes de cancer) engendrées par ce fléau gravissime ;
5-Cinquième initiative à envisager : La nécessité posée aussi d’une politique culturelle ciblée et axée sur :
*-la mise à niveau de l’infrastructure relative à l’enseignement supérieur par la création des nouvelles universités et d’autres centres de formation spécialisée en fonction des besoins légitimes des jeunes issus de la région ;
*-L’élaboration d’une politique culturelle ciblée et axée sur la création des centres culturels, d’un musée de l’histoire et de la culture du Rif, d’un centre de formation pour la promotion des arts et de la langue amazighs du Rif, susceptibles de «rendre à César ce qui appartient à César», c'est-à-dire de rendre aux Rifains leur fierté réelle d’être des citoyens à part entière tout à fait intégrés à la nation marocaine compte tenu de sa diversité et de ses composantes arabo-islamique et amazighe.
6- Sixième initiative proposée : la définition de la zone du Rif en tant que pôle de développement et acteur économique dynamique compte tenu des exigences extérieures et intérieurs de croissance qui respecterait les exigences d’une gestion rigoureuse des affaires locales et de l’aménagement du territoire.
Les règles déontologiques d’une gestion rigoureuse de l’aménagement du territoire (applicables dans les pays développés) n’ont pas été prises en compte jusqu’ici dans notre pays, puisque l’ensemble des réformes entreprises à l’échelle nationale (de régionalisation, de décentralisation et de déconcentration, voire même de «régionalisation avancée»), n’ont pas abouti jusqu’à aujourd’hui à l’instauration d’une gestion de bonne gouvernance des affaires locales et régionale et de proximité, en raison de l’incompétence et de l’absence de formation de haut niveau des élus locaux, de la permanence de la bureaucratisation de l’administration (rongée par la démotivation, la corruption et la déficience du sens du devoir national sans initiatives efficaces de gestion des ressources humaines).
7-Septième mesure proposée : L’élaboration d’une politique de contrôle qui permet de juger et de valoriser la gestion de la Région en termes :
-D’efficacité et de performance économiques ;
-De bonne gouvernance locale et d’esprit de management qui permettent d’éviter la bureaucratie administrative (non permissive de la transparence, de la proximité et de la démocratie locale) et d’exclure les dépenses improductives et non créatrices de richesses et d’emplois ;
-De création et de développement d’unités industrielles de base et de haute technologie ;
-De formation et de recherches ;
-D’affectation rationnelles des dépenses et de gestion concertée et transparente des marchés publics ;
-De protection de l’environnement ;
-De développement des centres de loisirs et des infrastructures touristiques.
8-Huitième mesure spécifique au Rif : le désenclavement des villes rifaines (Nador et Alhoceima en l’occurrence) orienté vers le développement des transports communs, des habitations adaptées aux différentes catégories de la population , des centres culturels et de loisirs et des espaces verts, qui doivent s’ajouter à l’optimisation des services administratifs chargés de promouvoir les logements sociaux et de lutter contre le clientélisme et les spéculations.
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(*) Il est à rappeler que le Roi Hassan II avait fait preuve de fermeté dans l’affaire dite «Panam» américaine qui voulait investir dans un projet de construction d’un grand hôtel de luxe sur un terrain militaire situé au bord du jardin de la Ligue Arabe à Casablanca. Or, des responsables marocains avaient sollicité des pots de vin à la société américaine par l’intermédiaire d’un homme d’affaires marocain (Omar BenMasoûd) en échange de l’autorisation de ce projet.
Finalement, 9 personnalités marocaines furent condamnées à des peines allant de 4 à12 années de prison ferme et d’amendes diverses, à titre d’exemples : Ministre du commerce et d’industrie (Mohamed Jâidi : 8ans de prison ferme et 5000 dhs d’amende) ; ministre du tourisme (Abdelkarim Halim : 4 ans de prison ferme et 9000 dhs d’amende) ; Directeur des Etudes minières et ancien chef du Cabinet de l’ancien chef du gouvernement Abdellah Ibrahim (Nasser Belârbi : 4 ans de prison ferme et 5000 dhs d’amende) ; Yahya Chefchaouni : 12 ans de prison ferme et 1000 dhs d’amende ; Mamoun Tahiri : 10 ans de prison et 10000 dhs d’amende ; Driss Belbachir : 4 ans de prison ferme et 5000 dhs d’amende ; Abdelâziz Benchekroun : 4 ans de prison ferme et 5000 dhs d’amende ; Omar Ben Masoûd (l’intermédiaire qui avait occupé plusieurs postes administratifs au début de l’indépendance) : 8 ans de prison et 9000 dhs d’amende .
(jugement prononcé après la constitution d’un nouveau gouvernement présidé par Karim Alâamrani au lendemain du coup d’Etat de 1972 ).
(SOURCE : المشعل –du 12 juillet 2017).

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Ahmed SAIDY
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