(TITRE I) Facteurs déclencheurs et théories explicatives de la crise économique et financière
Introduction et problématique générale
Nous assistons avec l’avènement de la mondialisation, à une remise en cause des méthodologies de pensée économiques, susceptibles d’apporter des solutions aux crises périodiques du capitalisme, et aux situations du sous-développement des économies en voie de développement.
La mondialisation contribue ainsi au regain d’intérêt pour les théories englobant l’ensemble des paramètres financiers, technologiques et écologiques, qui s’ajoutent à la déconnexion entre l’espace économique mondialisé et l’espace politique propre à l’Etat-Nation.
Si les Etats du Centre capitaliste perdent de plus en plus de capacités à s’imposer à la « tyrannie des marchés » ( en l’occurrence les marchés financiers), et à contrôler les flux des capitaux et les gestions impitoyables à haute rentabilité des Multinationales, il devient encore plus difficile, voire impossible pour les Etats en voie de développement d’élaborer librement et rationnellement des politique économiques ( encore moins des politiques d’industrialisation ) dans les nouvelles conditions de régulation du capitalisme financier, et de gestion des relations internationales à l’ère de la mondialisation
A ces nouvelles conditions d’intégration mondiale et de la financiarisation du capitalisme, s’ajoutent l’importance de plus en plus grandissante du processus de dématérialisation de la monnaie, de l’interconnexion informatique et des mesures draconiennes liées à la « sécurité économique » dans la gestion de l’économie mondiale, au-delà des attributions de l’Etat-Nation.
Sur le plan de l’explication du fonctionnement et de la crise de l’économie internationale, il est plus que nécessaire de revoir les anciens schémas théoriques explicatifs des rapports complexes des économies des pays en voie de développement avec le système capitaliste industriel ( dominant ) mondial.
La promotion des «technologies de compétence» bien ciblées génératrices de valeur et de richesse et la maîtrise réelle des T. I. C. (Technologie d’Information et de Communication), ont engendré inéluctablement la montée en puissance des pays émergents ( la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique) et des «quatre dragons» de l’Asie (Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Singapour), qui avaient pu dépasser les vieux schémas de développement dépendant pour une intégration rationnelle et maîtrisée dans la mondialisation..
Suite au Japon, l’ensemble de ces pays (en occurrence la Chine et l’Inde ) ont réussi à maitriser leur intégration dans la mondialisation. Ils ont abandonné dès les années 1980 les politiques de substitution aux importations pour développer une politique de valorisation des exportations dite d’ouverture contrôlée qui leur a permis de dominer et de maîtriser les industries de base ( chimie lourde, bien d’équipement, sidérurgie, chantiers navals ), ouvrant la voie à la production des biens de large consommation mondialisés (informatique, automobile, technologie numérique etc.).
Au-delà des nouvelles options de développement (valorisation des exportations, transferts technologiques, intégration maîtrisée à la mondialisation etc.), les T. I. C. (Technologies de l’Information et Technologies de Communication) sont devenues de véritables leviers du développement qui fournissent des outils hautement efficaces pour relever les défis du progrès dans les activités d’avenir. L’assimilation des ces technologies est une condition sine qua non à une intégration maîtrisée à la mondialisation !
Sur le plan théorique:
nous assistons (depuis la prédominance du capitalisme financier en occident et suite à la crise des années 1970) à l’abandon de la méthodologie de l’économie classique « monétariste exogénéiste » ( retenant la monnaie comme étant élément neutre par rapport à la dynamique et à l’accroissement des richesses économique), et qui avait été défendue à l’aube du capitalisme par J. Bodin (M. 1596), pour se terminer par le célèbre économiste M. Friedman, en passant par le fondateur incontesté de l’économie politique capitaliste D.Ricardo et le défenseur de la « théorie quantitativiste » J. B. SAY.
Pour Friedmann (prix Nobel 1976), les changements qui interviennent au niveau de l’activité économique, suite à un accroissement de la masse monétaire, n’est qu’une illusion qui frappe les agents économiques. Une telle illusion des variations de l’activité économique, ne fonctionne qu’à court terme, puisqu’elle conduit automatiquement aux phénomènes inflationnistes à long terme, reflétant ainsi les limites des politiques économiques utilisant la monnaie comme moyen de régulation économique et financière.
Quant au grand économiste J. Rueff (1896-1978), il démontre sans ambigüité que le recours à la monnaie ( variation de la masse monétaire, apports de l’argent extérieurement à l’économie réelle par les Etats en vue d’une régulation économique etc.) a un impact nuisible en contribuant largement à l’aggravation de la crise économique et financière, en raison de l’absence de contrepartie en termes de production réelle de la masse monétaire apportée et artificiellement créée ).
Or malgré cet important effort de théorisation développé par les économistes monétaristes dits «exogénéistes», les Etats, les banques centrales et les institutions financières internationales continuaient (tout au long de la deuxième moitié du 20ème siècle et au début du 21ème siècle) d’opter pour les intervention de type inflationniste pour solutionner les crises périodiques du capitalisme financier.
Les économistes incombent globalement la nouvelle crise internationale à trois facteurs principaux qui sont liés au caractère ultra-libéral des économies occidentales et à la haute flexibilité de l’économie dominante américaine, à savoir :
1-Premier facteur du declenchement de la crise :
Les imperfections de l’économie et de la finance américaines engendrent des répercussions de même nature sur les autres économies nationales, vue sa domination sur l’économie internationale depuis le début du 20ème siècle.
Il s’agit dans le cas d’espèce aujourd’hui, du système américain de distribution de caractère ultraconservateur, caractérisé par une haute flexibilité du marché de travail et des capitaux qui se combine à une relance soutenue de la consommation.
Le soutien à la consommation aux Etats-Unis ne s’est pas fait au moyen d’augmentation de salaires (en raison de la non-rigidité du marché de travail), mais grâce au recours au crédit, donc au surendettement des ménages et des entreprises.
Rôle néfaste des Agences de Notation :
Elles furent à l'origine de la création des Subrimes c'est à dire des formes
de financement de crédits hypothécaires qui ont été intégrés (titrisés) à un actif
financier («titrisation» qui se conjugua aux mauvaises
appréciations émises par les Agences de notation). Les «subrimes» est la forme la plus déterminante dans le déclenchement de la crise, car il s’agit de crédits hypothécaire de caractère trompeur, créés de toute pièce par la Finance comme «produits dopants» fondés sur une création monétaire au départ pour soutenir une demande artificielle sans transparence vis-à-vis des clients , sans bonne appréciation des risques et sans garantie de productivité future, et surtout comme techniques de substitution à l’augmentation des salaires.
La gestion et la permanence du libéralisme sauvage aux Etats-Unis, furent fondées sur l’intégration du salaire ( donc du travailleur ) comme simple élément du coût de l’investissement, c'est-à-dire comme simple marchandise. Il s’agit de la réhabilitation de la conception classique et new-classique des inégalités économiques comme exprimant un «ordre naturel», selon l’expression de Marx.
Ces deux premiers facteurs sont parfaitement conciliables, puisque ils combinent les « solutions » monétaires de soutien à la consommation au moyen de crédit (dont les subrimes) d’une part, et la reproduction des inégalités économiques au détriment des salaires en soutien à l’accumulation du capital dans un paysage trompeur basé sur le blocage des salaires relatifs et la consolidation du profit des capitaux, de l’autre part ;
3- Le troisième facteur déclencheur de la crise financière internationale:
(aux Etats-Unis d’abord et dans le monde ensuite), est le caractère irrationnel de la gestion du marché de la finance, à savoir :
- Les agents financiers fondèrent l’appréciation des risques à long terme sur des «solutions» apportées par la Finance, alors que le système financier international souffrait déjà d’irrégularités graves , au lieu d’évaluer les risques conformément aux enseignements keynésiens en matière de conception de l’investissement et de la finance ( prônant l’évaluation des risques à court terme : évaluation dite «courtermiste») ;
-Les agents financiers, ont curieusement et unilatéralement fait confiance aux Agences de Notations qui ont fait preuve d’incompétence en matière d’appréciation des risques que concouraient les remboursements des crédits hypothécaires (ou subrimes ) ainsi que les produits financiers ( intérêts ) que ces crédits (intégrés à l’actif financier) engendrèrent depuis déjà 2006.
A ajouter à ces imperfections du comportement des agents financiers (toujours dans le cadre de la gestion irrationnelle de la finance), les opérations de fraudes qui s’ajoutent à l’obtention des énormes sommes d’argent sous forme de bonus .
4* Le quatrième facteur structurel (propre au capitalisme financier combinant bulles immobilières et bulles de crédit ) du déclenchement et de la permanence de la crise :
Le principe économique et financier engendré par le syndrome obsessionnel du Krach boursier à l’instar de 1929 (fondé sur l’obligation de préserver la crédibilité du système bancaire en prévention du risque de transition du krach boursier à l’effondrement du secteur bancaire et à la crise du secteur commercial et industriel ), a mis les Etats dans une situation de dépendance structurelle vis-à-vis du monde de la finance.
Face à ce patrimoine théorique incarné par l’économie classique et approfondi par M.Friedmann ( prévoyant les effets pervers à court terme de l’illusion monétaire et défendant le libre jeu du marché ) et par J.Rueff ( prévoyant des «faux droits» en tant qu’expression monétaire sans contrepartie de richesses réelles), les défenseurs(1) du rôle de la monnaie dans la régulation et la variation de l’activité économique n’ont pas réussi à atténuer les bases théoriques de la méthodologie « exogénéiste » de la la monnaie ( élaborées par les grands fondateurs de l’économie politique classique), puisque la crise du capitalisme financier n’a pas cessé de s’aggraver depuis la deuxième moitié du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui, en dépit des apports externes d’argent à l’économie par les Etats et les institutions internationales..
L’exemple du krach boursier combiné à la crise des subrimes(2) aux Etats-Unis, provoquant une extension de la crise économique internationale, témoignent des limites théoriques et pragmatiques de la gestion de type inflationniste du « capitalisme financiarisé » (apports extérieurs, endettement accrue et création de monnaies en vue d’éventuelles régulations économiques).
La crise actuelle s’inscrit dans le nouveau cadre de « globalisation financière », de la permanence des crises financières et de l’essor des marchés des capitaux au stade du « capitalisme financiarisé ».
En dehors de ces facteurs explicatifs de la crise, nous avons à relever au moins deux autres facteurs aggravants de la crise financière internationale au sein des pays industrialisés (l’un est interne et l’autre est externe ) :
+ Sur le plan interne , il s’agit des implications structurelles des déséquilibres d’ordre économique et financier engendrés par les modes de gestion opposés et non concordants des Etats des deux blocs traditionnellement dominants du capitalisme mondial : Etats-Unis et Union Européenne.
En effet, on assiste au cours des deux dernières décennies précédant la crise :
-Aux Etats-Unis :
à l’élargissement de la marge de manœuvre du pouvoir public par rapport au capitalisme privé, se soldant par un surendettement inégalé de l’Etat qui a atteignit son paroxysme avec la fin du mandat de G.W. Bush. Ce surendettement fut aggravé par la politique militariste interventionniste, décidée par l’administration ultraconservatrice américaine, suite au coup du 11 septembre 2001 ;
-En Europe :
à un laisser-aller affiché par les Etats vis-à-vis de la finance. Celle-ci eut usé abusivement de son autonomie pour bâtir une sorte d’empire qui atténua gravement la marge de manœuvre des politiques économiques publiques traditionnellement interventionnistes. Les Etats Européens se trouvèrent par conséquent incapables d’inverser le rapport de force en leur faveur face à la puissance de la finance en vue de réhabiliter de nouveau l’efficacité de l’interventionnisme d’obédience keynésienne. C’est pourquoi nous assistons depuis au moins 2006, à la mobilisation sans précédent des pouvoirs publics européens (Sarkosy et Hollande en France, Merkel en Allemagne en l’occurrence) pour :
-rétablir l’efficacité des politiques économiques tout en intégrant la finance aux programmes pragmatiques européens de remède aux effets socioéconomiques de la crise ;
-éviter la banqueroute des pays européens du sud (Grèce, Espagne, Portugal..) par la mise en place du Mécanisme de Sauvetage Européen ou Mécanisme Européen de Stabilité.
+Sur le plan externe :
nous assistons (depuis la fin du siècle dernier) à des modifications dans le rapport de force entre les pays occidentaux (Etats-Unis, Angleterre, France, Allemagne ...) et les pays dits émergents (Chine, Inde, Brésil…).
La montée en puissance des pays émergents annonce pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, la fin de la domination économique occidentale sur le monde et particulièrement l’amorce de la fin de la suprématie des Etats-Unis et de leur grande influence sur l’économie internationale dont ils ont bénéficié tout au long du 20ème siècle.
A ces caractéristiques, il faut ajouter le ralentissement de la croissance en Europe malgré l’augmentation des échanges internationaux. Comme nous assistons à la genèse de nouvelles formes de mobilisation et de placement de fonds spécifiques au capitalisme financier, et de nouvelles formes d’investissements ( économie de l’immatériel ) visant le savoir, l’innovation et la rigueur de gestion, et intégrant les dispositif préalable de la « sécurité économique », à savoir :
-Les Etats du sud (exportateurs du pétrole, de gaz et autres matières premières) détenteurs des «fonds souverains» ( Fonds étatiques issus d’excédents monétaires ou excédents de la balance courante et gérant des actifs financiers à long terme) et initiateurs des «fonds d’investissements» ( avec ses deux variantes de capital investissement ou Private Equity ET de Fonds spéculatifs ou Hedge Fund ), s’imposent de plus en plus en tant que décideurs économiques à l’échelle mondiale ;
-Le recours aux stratégies immorales et hautement perfectionnées des entreprises pratiquant les LBO (Leverage Buy Out ) ou rachat d’entreprises performantes dans des conditions rigoureuses par recours au surendettement ( recours au crédit), c’est à-dire par investissement en capital en association avec les dirigeants de l’entreprise acquise en vue de sa haute rentabilisation.) ;
-L’option pour les «gestions alternatives» ou «fonds de couverture» ( Hedge funds) usant d’un maximum d’instruments financiers et promettant à une clientèle privée ou institutionnelle généralement aisée, un rendement absolu, élevé et sans risques.
-Le perfectionnement de la gestion de l’« économie de l’immatériel » axée sur le savoir, la connaissance, l’innovation, la compétence et l’efficacité etc. ;
La prise de conscience des pays émergents (détenteurs de volumes colossaux d’argents ) de bénéficier des transferts réels de technologies comme condition d’accès à leurs marchés :
- Le développement de nouvelles techniques de gestion intégrant les nouvelles contraintes prévisionnelles liées à la « sécurité économique », en prévention des risques politiques et économiques.
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(NOTE 1) -
Wicksell et Myrdal ( rôle de la monnaie scripturale dans une situation de «pur crédit») ; le célèbre théoricien J. M. Keynes ( croyait au pouvoir de création monétaire des banques pour stabiliser l’activité économique ) .
(NOTE 2) Subrimes :
formes de financement de crédits hypothécaires qui ont été intégrés (titrisés) à un actif financier (la «titrisation» qui se conjugua aux mauvaises appréciations émises par les Agences de notation fut un procédé assommant et de mise en confiance), et qui devinrent par conséquent négociables et même vendables à d’autres intermédiaires financiers). Suite à la « bulle spéculative » au cours des dix années précédant 2007 (augmentation des prix de l’immobilier de 140% à 210% dans tous les grands pays industrialisés) , la crise des «subrimes» (conséquence de la gestion irrationnelle et sans transparence du monde de la finance par les agents financiers), a engendré de lourdes pertes aux banques (en raison de la dépréciation de leur patrimoine immobilier) et une réduction de leurs liquidités, provoquant ainsi faillites bancaires et crises économiques etc.
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