mardi 16 octobre 2018


Toutes les sociétés, au regard de leur histoire, de leurs identités et de leurs ambitions, disposent de grilles de lecture et d’appréciation des faits économiques et sociaux, afin d’assurer leur pérennité et de maîtriser leur croissance qui ouvrent la voie à la Renaissance et à l’assimilation obligatoire des paradigmes scientifiques, économiques et technologiques de développement.
A la croisée des Nouvelles Technologies d’Information et de Communication (NTIC), des contraintes mondialisées liées au développement durable et à la transition écologique et énergétique qui s’annoncent pour le 21ème siècle, ce travail tend à montrer dans quelle mesure les enjeux de la mondialisation constituent une opportunité plus qu’un danger sur la culture et les droits fondamentaux des peuples arabes.
Plus généralement, le caractère systémique des paradigmes technologiques propre à la mondialisation, accentue la stérilité de la paranoïa politique des dirigeants arabes et sanctionne sévèrement leur incompétence.
Par ailleurs les enjeux politiques et financiers de plus en plus intégrés et mondialisés, soulèvent différentes interrogations sur la gouvernance des Etats ainsi que sur l’administration de compétence en matière de gestion à haut rendement des tissus économiques nationaux, en rapport avec la problématique des inégalités et de la démocratie économique et politique soulevée avec rigueur par les organisations de développement mondiales.
Corollairement, on ne pourrait exposer ce qu’il en fut de la sagesse en Islam, sans traiter de la pensée rationaliste sous ses différents aspects, tant ceux de son fondement islamique que ceux de son paradigme technologique occidental.
Loin qu’il faille se demander si la maîtrise des sciences et techniques est (ou non) fonction de l’attachement au volet rationnel du patrimoine, nous déduisons que ce qu’il importe alors de préserver, ce n’est pas tant l’authenticité que la capacité de la Culture à assimiler le progrès scientifique et technologique.(1)
L’anticipation par réminiscence d’un futur meilleur (une nostalgie inversée, la projection d’un âge d’or), ne doit pas cacher le caractère profanateur et démiurgique du présent forgé par l’occident.
Dans une convivialité qui n’exclut ni les différences ni les divergences - réflexion délibérément datée qui, à la manière esquissée, éclatée de la vie politique d’aujourd’hui-, la dérision conviviale dessine un portrait passionnant : celui du monde arabe éclaté , sans quiescence, sans persévérance et en pleine mutation, qui s’apprête à entrer dans un nouveau monde complexe et à multiples facettes, sans pouvoir assimiler avec quiddité les paradigmes de la modernité nourris de l’universalisme scientifique , de l’efficacité technologique, de l’esprit critique et de la démocratie. Le progrès dépend indéniablement aujourd’hui du degré de corroboration et de l’utilisation à bon escient des leviers mondialisés de la technologie et du développement.
Il a fallu que le monde arabe devienne un immense espace de mouvements sociaux ( non porteurs de la quintessence de la Renaissance, sans identité historique propre et sans paradigmes de développement ), pour qu’un changement relatif s’opérât. Mais de la manière la plus confuse : il subit la pire aliénation qui s’exprime dans le blocage qui immunise la culture démocratique et interdit le développement. De ce fait, elle rend cataleptique tout changement alternatif radical susceptible de corroborer et de mettre en exergue les ambitions très en vogue d’une jeunesse ( phagocytée par le Numérique) en voie de s’approprier les modes opératoires (consommatoires) des Nouvelles technologies d’Information et de Communication (NTIC), sans forcément maitriser les modes de gestion théoriques ( d’ordre économique et financier) de bonne gouvernance et de compétence
Bien en amont des mouvements de l’intifada, les dirigeants ( dont le pouvoir est à dominante ancestrale) ont leur part de responsabilité dans la préparation de ces circonstances favorables à l’émergence de la crise de la pensée politique arabe contemporaine. Au bout du compte, et sans sombrer dans des théories de complot erronées et stériles, le réalisme et le bon sens demeurent d’actualité et méritent d’être cultivés, pour passer de la dérision idéologique à l’analyse objective des faits.
Il est tout à fait adéquat de comprendre que les institutions politiques sont l’expression visible des échelles de valeurs, mais encore faut-il poser légitimement la question : quelles valeurs (arabo-islamiques) ont survécu aux assauts de la mondialisation ?
Dans les civilisations arabo-islamiques, le discours religieux officiel, fut constamment au service des classes dirigeantes et lié à l’élite et au pouvoir. Les régimes politiques souffrent de cet héritage et le crédo politico-religieux qui les fonde tout au tant, ait suffisamment résisté à l’érosion générale des valeurs. La plaque tournante du 12ème siècle (étouffement de toute liberté de création par conjugaison des despotismes politiques et des intégrismes religieux) est toujours d’actualité. En stoppant le développement scientifique, ils privèrent les peuples arabes de leur avenir qui se cristallise dans l’assimilation des bases scientifiques et technologiques occidentales pour la création des technologies originales, l’acceptation d’une «identité multiple» et la maitrise des facteurs culturels de développement !
Sur le plan économique et sans risquer de poser la question en porte à faux, l’application aléatoire et ostentatoire de l’éthique économique islamique (prônée par les banques islamiques) d’un éventuel système socialement, moralement et financièrement correct issu de la Loi et de la jurisprudence islamiques, garantit – elle un statut digne au citoyen arabe en droit de rationaliser ses choix et de fixer librement les normes de son mode de vie en dehors des actes prohibés par l’Islam coranique?
La logique financière autonome et le fondement de l’épargne avec une monnaie dématérialisée, scripturale et électronique, laissent entrevoir la complexité de la finance moderne et la relative homogénéité de l’éthique économique dans un monde marqué par la sécurisation des savoirs et la rationalisation des champs scientifiques.
Sur le plan religieux, l’œcuménicité du concept mondialisé de « Islam » ne peut être ni appropriée ni astreinte au caractère national ou ethnique (arabe) dans le contexte politique et économique de plus en plus intégré et mondialisé d’aujourd’hui.
Sur le plan philosophique, la concordance de la méthode du doute systématique innovée par A. H. Alghazali (en orient islamique) et par R. Descartes (en occident postchrétien) corrobore parfaitement le rapprochement méthodologique entre les «postulats de la raison pratique» de Kant ( expérience moral, principe suprême divin et libre volonté-rationnelle- d’agir) et les principes de conformité de Ibn Roshd ( entre volet spirituel et volet rationnel supposant la neutralité de la raison philosophique par rapport à la théologie ). Cette double concordance incarne intrinsèquement l’apogée de la réflexion universelle qui doit théoriquement débusquer les distorsions idéologiques qui opposent en permanence les agissements laïcistes et islamophobes de l’occident (à connotation ethnocentriste et xénophobe ) aux réactions défensives de l’islam politique intégriste (fortement introverti et équivoque) de l’orient .
Dans ce monde frappé concomitamment d’aporie et de catalepsie, sommes nous en droit de rêver ou d’exprimer avec quiescence de la concupiscence pour un idéal humainement universel ?
Plus précisément, faut-il générer philosophiquement (au moins sur le plan individuel) l’infaillibilité de la Raison en parfaite symbiose avec le contrôle et la maitrise de l’environnement (sociopolitique) pour asseoir la double certitude de l’existence divine et du moi( innovée par René Descartes en tant que garant de la Raison occidentale) et échapper ainsi à une éventuelle aliénation scolastique dépourvue de quiétude, d’assomption et de vision illuminative ( soulevée par A. Hamid. Alghazali en tant que «garant de l’Islam» - حجة الاسلام-) susceptible d’atténuer significativement les réductionnismes (religieux et politiques) et de réorienter essentiellement le processus (mondialisé) de rentabilisation et de marchandisation des «cultures» et des savoirs scientifiques et technologiques ?

Ce double rapprochement philosophico-politique (Ibn-Roshd/Kant et Alghazali/Descartes), nous permet de relever, non seulement la crise culturelle de l’intellectuel arabe(1),mais aussi la tragédie du comportement schizophrénique du citoyen ordinaire arabo-musulman qui oscille entre l’impossible épanouissement spirituel sur la base de la quiétude ( اليقين ) et les impératifs politiques et idéologiques (engendrés par le crédo de l’obéissance au gouvernant -الطاعة للحاكم- et la déficience de la culture démocratique) sur fonds de crise économique et sociale :
- Entre l’appel à l’obéissance au gouvernant (الطاعة للحا كم) ET la gestion du pouvoir (الحكم) pour l’enrichissement personnel, il n’y a pas de place pour la légitimité politique(الشرعية السيا سية )!
- Face au gouvernant (الحاكم) qui gère son pouvoir absolu, paradoxalement entre l’appel à l’obéissance de ses sujets (sous contrainte de la crise économique et sociale), ET la pratique des normes hautement capitalistiques de rentabilité qui l’enrichissent, la QUIETUDE ( اليقين ) n’a aucune signification spirituelle et logique, à défaut de «désobéir au gouvernant non obéissant aux recommandations de son Créateur» (لا طا عة لمخلوق في معصية الخا لق )
Entre les rapports inégalitaires générés par la crise ET les contraintes du système usuraire (نظام الربى ) d’endettement, il n’y a pas de place pour un mode de vie licite (العيش الحلا ل) et l’accomplissement des préceptes religieux sur la base la légitimité du gouvernant (شرعية الحا كم )
- La solution philosophico-politique est à chercher donc dans le paradigme du duo IBN ROSHD - KANT prônant la primauté et la neutralité de la Raison philosophique en équilibre avec la Raison morale (consolidé par MARX : critique de l’affectation de la religion à la fonction de légitimation du pouvoir -ou politisation de la religion)-au sein d’une société irrationnelle et inégalitaire) et non dans l’impératif philosophique et spirituel (théorie du doute systématique combinée à la désaliénation scolastique) du duo ALGHAZALI – DESCARTES
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(1) « L’intellectuel arabe se laisse emprisonner dans l’antinomie stérile : se moderniser, c’est se trahir ; rester fidèle à soi, c’est mourir à l’histoire…Il s’agite sans aider la société à changer ». (Abdellah Laroui : « Islam et modernité »- Centre Culturel Arabe-page 96) 

 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Quintessence Connaissance Tolérance 2018 Copyright. All rights reserved. Designed by رواد المعلوميات