mercredi 17 octobre 2018




Rappel des fondements théoriques du fonctionnement et
de la crise du système monétaire international (S.M.I.)

(Pour complément d’analyse du S.M.I., voir infra PARTIE consacrée
à la « méthodologie marxiste d’explication des crises »)

 Un système monétaire est un cadre ( d’accords, de règles et de pratiques), dont lequel s’effectuent les paiements correspondant aux transactions extraterritoriales et qui suppose une concurrence entre monnaies nationales ainsi que des institutions internationales dont le rôle est de mettre de l’ordre dans ce système et de veiller à la bonne application des différentes dispositions des accords conclus entre nations et au respect des règles financières en vigueur.
La monnaie internationale est une monnaie acceptée comme moyen de paiements des transactions internationales (exemple de la convertibilité officielle des monnaies nationales en dollar dans le cadre du système de Bretton Woods ), comme elle peut être utilisée comme instrument des politiques économiques et financières conçues par les Etats ou par l’institution financière internationale ( exemple le FMI ) chargée de veiller sur la bonne application des accords conclus entre nations comme moyen de régulation des échanges internationaux.
L’économie capitaliste internationale a connu plusieurs systèmes monétaires, dont les accords de base furent conclus en fonction des contraintes spécifiques à chaque époque historique du développement des échanges internationaux, des règles de convertibilité des monnaies nationales, de la nécessité générale posée pour chaque pays du retour à l’équilibre des balances des paiements et plus généralement du maintien et de la réalisation de la croissance économique..

A- L’étalon-or ( Gold-standard) ou étalon-sterling

 C’est un système qui a prédominé avant 1914, ou plus exactement depuis le début des années 1870 ; l’abondance du métal argent avait conduit à l’abandon du bimétallisme.
Le bimétallisme antérieur et l’avènement du monométallisme-or qui supposaient l’utilisation de la livre sterling comme équivalent de l’or dans la réserve de change, s’expliquaient par le progrès industriel, la stabilité économique et la puissance politique et militaire de la Grande Bretagne.
Le système de l’étalon-or suppose des contraintes implicites imposées aux Etats et aux banques centrales, dans les soucis majeurs est d’assurer le libre échange et à la libre circulation de l’or entre pays, de maintenir la stabilité de change et de créer les conditions favorables au retour de l’équilibre des balances des paiements. Comme il suppose la définition imposée aux banques centrales de la convertibilité de la monnaie nationale en poids d’or comme étalon de valeur.
Ce lien obligatoire entre la valeur officielle et la prix de l’or fut assuré tout au long du 19ème siècle par le système de la frappe de monnaie ;
Quelle est la relation entre l’état de la balance commerciale et la variation de l’activité économique ( croissance et crise ) par rapport aux règles du fonctionnement du système monétaire (ici l’étalon-or) ?

La théorie classique avance une sorte de cogito économique frappant qui complète la fameuse « loi de l’avantage relatif »(voir supra), en formulant d’une manière rigoureuse le paradoxe de la régulation de l’économie capitaliste en relation avec les échanges internationaux et le fonctionnement du système monétaire international, à savoir : le déséquilibre économique interne engendre automatiquement l’équilibre commercial externe, et vis versa, le déséquilibre commercial externe conduit à l’instauration progressive de l’équilibre économique interne :
- En cas d’excédent de la balance des paiements, l’entrée d’or augmente et provoque une augmentation de la Demande globale en raison du gonflement des moyens de paiement, et par conséquent améliore le niveau de profit et l’incitation à investir pouvant conduire à la réalisation du plein emploi (optimisation de l’utilisation des facteurs de production) et engendrant nécessairement une flambée inflationniste. Il s’agit de conditions préalables pour augmenter les importations, réduire même les exportations et résorber l’excédent commercial.
- En cas de déficit de la balance commerciale , c’est le processus inverse qui se produit : tendance à la sortie de l’or, diminution de la Demande globale en raison de la contraction des moyens de paiement, réduction du taux de profit général, désinvestissement, effets déflationnistes, situation de sous-emploi des facteurs de production se traduisant par un ralentissement de l’activité économique à l’intérieur, réduction des importations et stimulation des exportations, d’où en fin de parcours, le retour à l’équilibre de la balance commerciale suite à l’absorption progressive du déficit commercial initial.

L’abandon du système de l’étalon-or, s’explique par quatre facteurs essentiels de la période de l’après guerre (1914-1918) :
- L’augmentation exceptionnel du commerce mondial des années 1920, posant la nécessité de trouver un autre moyen de paiement des importantes transactions internationales autre que l’or ;
- La primauté donnée essentiellement à l’expansion et à la stabilité économique interne par rapport à l’équilibre externe ;
- La rareté de l’or exprimait une insuffisance de liquidités ;
- L’étalon-or imposait une rigueur de gestion des échanges internationaux, et empêchait toute action ( des Etats, des banques centrales et des institutions internationales) qui consiste à réguler l’économie par des moyens monétaires de type inflationniste.. Il fallait lever l’obstacle engendré par la discipline du système de l’étalon-or, pour entrer dans la phase de convertibilité générale, de la gestion volontaire des Etats ( Keynes) , du recours à la monnaie de crédit en dépassement de la contrainte de la monnaie métallique.

B- L’étalon de change or ( Gold Exchange standard- Gênes 1922)

La période d’entre deux guerres, était marquée par une crise du système monétaire international, en raison des limites de l’ancien système monétaire, du déclin relatif de la Grande Bretagne et de la montée en puissance des Etats Unis etc.
En même temps, aucune monnaie ne remplissait le rôle de véritable monnaie de change internationale malgré la permanence de la puissance financière relative de la Grande Bretagne. De même que la place de New York concurrençait de plus en plus la place de Londres, sans que la livre jouât pleinement le rôle de monnaie internationale et sans que le dollar arrivât à s’y substituer pour répondre au besoin de convertibilité générale posée.
La conférence de Gênes en 1922 qui jetait les bases de l’étalon de change-or faisait du dollar et de la lire sterling des monnaies de réserve tout en posant la nécessité de la réalisation des « économies d’or ».
La phase intermédiaire de l’entre deux guerres, ne connaissait donc pas de système monétaire stable et cohérent, en raison de la montée des politiques nationales protectionnistes, de la formation des différentes zones monétaires etc.

C- Le système de Bretton Woods ( juillet 1944-1970) 

Depuis les années 1920, l’hégémonie économique américaine s’affirmait de plus en plus et le dollar s’imposait progressivement comme monnaie de réserve, alors que la grande Bretagne perdait de plus en plus son quasi-monopole du financement du commerce international.

Une telle situation ne pouvait durer, et la nécessité d’un pays émetteur d’une monnaie internationale ( dite « devise-clé » ), devait s’affirmer comme puissance dominante dans l’économie internationale. Ce fut le rôle des Etats Unis comme nouvelle puissance économique mondiale avec le dollar en tant que monnaie stable susceptible de rentrer dans les réserves de changes des autres pays.
Les Etats Unis ont incontestablement bénéficié pendant une trentaine d’années de leur hégémonie, des possibilités de pénétration de leur industrie et de leurs institutions bancaires dans diverses régions du monde.
Après la deuxième guerre mondiale, c’est l’entrée en force du Dollar devenu monnaie d’échange internationale à Bretton Woods en 1944.

Les accords de Bretton-Woods signés par les quarante quatre pays en juillet 1944, ont conduit à définir les dispositions essentielles suivantes :
- Dans ce système de taux de changes fixes et ajustable, chaque pays membre utilise l’or ( ou le dollar comme équivalent à l’or) comme étalon de mesure de sa monnaie nationale ;
- C’est un système qui permet aux pays adhérents de restaurer la liberté de transactions commerciales internationales, puisque ils doivent réaliser efficacement et pragmatiquement la convertibilité de leur monnaie dans les autres monnaies ;
- Les pays adhérents doivent assurer la parité de leur monnaie sans élasticité des écarts ( en hausse et en baisse ) des cours au-delà de 1% de la parité, grâce à leurs interventions sur le marché de change. Il s’agit du régime des parités fixes) Plus précisément , le dollar est évalué par rapport à l’or sur la base d’une once d’or pour 35 dollars, alors que les autres monnaies devraient garder une parité fixe. Seule une marge de variation de 1% est tolérée dans l’échange d’une quantité de monnaies contre une unité de monnaie étrangère.

Ce système a fait du dollar jusqu’à la fin des années 1960, une monnaie internationale d’un degré élevé de convertibilité, qui a permis aux autorités monétaires de convertir facilement les dollars qu’elles détiennent en or.
Pour permettre aux Etats d’assurer la stabilité de leur taux de change et de règlementer les relations financières internationales, une institution fut créée, il s’agit du Fonds Monétaire International (F. M. I.), au même titre que la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (B. I. R. D.) ;
- Le F. M. I. : Tout en étant une réserve de devises et de l’or réalisée par apport de ses pays membres, il cumule les attributions de mettre de l’ordre dans ce nouveau système monétaire international, de veiller au bon respect des règles financières, de promouvoir la stabilité et l’unicité des taux de change, de favoriser l’expansion du commerce international et la libre circulation des capitaux, et de permettre aux Etats déficitaires de bénéficier des prêts sous forme de devises dites Droits de Tirages Spéciaux (D.T.S.).

En ce sens, qu’il est chargé d’aider les pays (dont la balances des paiements est déficitaire), à remédier aux difficultés de paiements extérieurs, en attendant que ces pays réussissent à remédier progressivement à ces équilibres et à redresser la situation au moyen de leurs politiques économiques.
L’une des formes possibles de la politique d’ajustement des balances de paiement, est la dévaluation, dans la limite de 10%. Au-delà de ce taux, toute dévaluation devrait être soumise à l’accord du F. M. I. qui est en droit de juger le fondement d’une telle décision, compte tenue de la gravité des déséquilibres économiques et financiers du pays concerné.
- La B. I. R. D. ( Banque Mondiale pour la Reconstruction et le Développement), dite Banque Mondiale, fut créée en juillet 1944 en tant que véritable bayeur de fonds ( jouant le rôle d’intermédiaire entre les préteurs et les emprunteurs suivant une appréciation et une gestion rationnelles des projets conçus par les Etats). Elle est dotée d’un conseil des gouverneurs qui se réunit annuellement et d’un conseil d’administration qui la gère en permanence de 20 membres représentants les pays les plus riches du monde.
Vers la fin des années 1960, c’est le début du processus de délabrement du système monétaire, en raison d’abord des désordres graves dans la création des liquidités internationales et des modifications de parité, et qui se sont exprimés par la dévaluation de certaines monnaies, et de la surévaluation d’autres : c’est le début de la généralisation du flottement des différentes unités monétaires.

D- le système du flottement des monnaies ou de changes flottants (à partir de 1973),

 inspiré par M. Friedmann dès les années 1950 qui posait la nécessité d’instaurer un taux de change flexible, de réhabiliter le marché comme l’unique lieu où le taux de change d’équilibre et la régulation des balances des paiements sont possibles.La mort du système de Bretton-Woods, s’incarne dans l’impossibilité pour le dollar de continuer à jouer le double rôle d’instrument de régulation économique et financier à l’intérieur, et de moyen international de paiement et de réserve à l’extérieur.
Après une deuxième dévaluation de dollar en mars 1973 ( la première en décembre 1971), le régime de changes flottants remplace pragmatiquement et effectivement le régime des parités fixes qui avait prévalu pendant une trentaine d’années.
Quant au contexte de la crise du système de Bretton Woods (crise de l’or et passage au système de flottement), il est défini en rapport avec les trois évènements essentiels suivants :
- Dès les années 1960, la libre convertibilité des monnaies européennes n’est plus respectée ;
- Le développement des tensions sur le marché de l’or à Londres qui engendrent un double marché de l’or, l’un est officiel (déterminé dans le cadre de la gestion des banques centrales), et l’autre est privé (déterminé en fonction de l’offre et de la demande) ; et la hausse de l’or est définie quasi unanimement comme une remise en cause du rôle du dollar, tel qu’il fut défini par les accords de Bretton Woods.
- Suite à ces évènements, les Etats occidentaux adoptèrent des politiques de dévaluation ( dollar et franc français) et de réévaluation (la lire sterling, le deutschemark, le yen) de leurs monnaies nationales

- L’évènement historique le plus significatif est l’annonce par le président américain R. Nixon ( le 15 aout 1971) de l’inconvertibilité du dollar en or et de mesures protectionnistes.
- A partir de 1973, deux situations nouvelles aggravèrent cette crise : la spéculation contre le dollar s’est aggravée, ce qui poussa les Etats Unis à renforcer leur protectionnisme (instauration d’une taxe à l’importation de 10%), et la crise de l’énergie ( hausse brutale du prix de pétrole)

Les premières mesures de réforme du système monétaire international furent les suivantes :
* La nécessité d’accroitre les liquidités internationales par la création en 1969 des Droits de Tirages Spéciaux( DTS) qui sont des monnaies scripturale internationales ;
* La définition dans une première étape des DST en dollar américain, au taux de change de 1 DST égal 1 dollar,
* Pour éviter une dépendance du dollar, le Fonds Monétaire International décida de permettre aux pays membres qui souhaitèrent remédier aux déséquilibres commerciaux d’échanger les DST contre leurs avoirs en devises clés (dollar, franc français, la lire, le deutschmark, le yen), ou contre les monnaies d’autres pays, y compris au titre de prêts et d’emprunts, et de garantie d’obligations financières.
* Des mesures ont été prises par les institutions financières internationales pour recycler les pétrodollars en fin des années 1970, pour les mettre à la disposition des pays membres ;
* En raison de l’échec des mesures de réforme du système monétaire, le FMI institua au début des années 1980 le flottement des devises clés, qui écarta par conséquent l’or en tant qu’étalon, en vue de promouvoir les DST comme principal moyen de réserves.

Il s’agit d’une confirmation des argumentations précitées de M.Friedman qui recommandait l’instauration du taux de change flexible, la réhabilitation du marché comme l’unique lieu où le taux de change d’équilibre et la régulation des balances des paiements étaient réalisables.
Le système de flottement des monnaies à partir de 1973, n’a pas permis le retour de l’équilibre automatique des balances des paiements des pays occidentaux. Au contraire, toute hausse du dollar a des effets négatifs sur la croissance et l’emploi dans différents pays, y compris dans les économies européennes, alors que les deux dévaluations successives précitées du dollar, eurent pu permettre de remplacer le déficit de la balance commerciale des Etats Unis par un excédent avant la fin de l’année 1973 .
De même que la fin du système monétaire qui prévalait depuis la deuxième guerre, ne signifiait pas la fin du règne du dollar, puisque la quasi-totalité des transactions internationales continuaient de s’effectuer en dollar, malgré l’entrée en force des nouvelles monnaies fortes, telle que l’euro.
La nouveauté dans le système de changes flottants, c’est que le dollar est devenu une monnaie semblable aux autres, tout en demeurant l’unité de compte et le principal moyen de paiement international.
Par rapport au développement du capitalisme financier de la deuxième moitié du 20ème siècle, le dollar est devenu dans le cadre de changes flottants et parallèlement au rôle des D.S.T., un véritable instrument de reproduction des régulations et des crises inflationnistes mondiales.
La libération des mouvements des capitaux au cours de deux derniers décennies du siècle dernier annonce des changements structurels dans l’économie mondiale et des nouvelles orientations dans les relations internationales, ouvrant la voie au développement des crises financières.
La crise des marchés financiers, les faillites bancaires et la gestion irrationnelle du monde de la finance ( traders et agences de notation) au début de 21ème siècle, avec l’ampleur de la crise des subrimes aux Etats Unis en 2007-2008, posèrent de nouveau la nécessité de retour aux options interventionnistes d’obédience keynésienne et la remise en cause des orientations théoriques prônant le rôle du seul marché dans la régulation économique et financière. Le tout fut combiné particulièrement à la montée en puissance des pays émergents annonçant la fin de l’hégémonie américaine sur l’économie mondiale.
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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :





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