mercredi 19 décembre 2018





-LES NOUVELLES TENTATIVES DE «RECONSTRUCTION» DE LA PENSEE ARABO-ISLAMIQUE – ( deuxième moitié 20ème siècle )

A- Problématique générale

Trois courants méthodologiques de pensée marquèrent (à partir du début de la deuxième moitié du 20ème siècle) les débats sur la «crise » et la « reconstruction » de la « pensée arabo-islamique» :
- Le courant islamiste fondamentaliste ( reconstruction du patrimoine arabo-islamique sur la base d’un retour unilatéral aux sources limitées essentiellement au Coran et aux enseignements prophétiques ) ;
- Le courant moderniste matérialiste ( ouverture totale sur la civilisation occidentale y compris sur l’apport du libéralisme et du marxisme );
- Le courant nationaliste et modéré prônant la revalorisation du patrimoine arabo-islamique en conciliation avec les acquis de l’occident .

B- Ali Abderrazik ( 1888-1966) (NOTE 1) 

Ouvrage:- “L’islam et les fondements du pouvoir »- Paris -1994 ; La thèse de Ali Abderrazik développée dans cet ouvrage a donné lieu à des débats et à des polémiques dans le monde arabo-islamique d’une rare intensité, en raison des arguments suivants :
- Premier argument Le prophète n’avait pas pour mission de transmettre au monde une forme d’Etat , de pouvoir politique ou de gouvernement. La mort du Prophète constitue selon Ali Abderrazik un tournant (rupture) exceptionnellement déterminant, qui a donné place à une histoire dynastique où se combinèrent des situations de justice et d’injustices entre les hommes au sein de la société politique et civile islamique.
- Deuxième argument : le système de la khilafat qu’il identifie à une sorte de sultanat (1) n’émane ni de l’héritage coranique ni des éventuelles recommandations prophétiques.
Suite à la mort du Prophète, c’est l’ «Etat arabe» qu’il distingue de l’« Etat islamique », qui a continuellement prédominé par la suite. Il faut noter, que face à cette argumentation, on ne peut trahir la fidélité aux principes de transparence et de justice ainsi que les efforts grandioses d’un Omar ben Alkhattab, ou d’un Ali ben Abid Talib aux vertus exceptionnelles qui avaient essayé avec rigueur et conviction d’innover un modèle idéal islamique de la khilafat en dépassement du despotisme et des emprises aristocratiques arabes pré-islamiques.
- Troisième argument : Ali Abderraziq croit que la mission ( arrisala) du Prophète s’est arrêtée à sa mort. Elle n’est donc pas transmissible.
- Quatrième argument : Ali Abderrazik a défini la laïcité à partir de l’islam en fondant ses investigations sur les textes et l’histoire arabo-islamiques. Il incarne ainsi la première Ecole islamique laïque dont les principes sont compatibles avec les fondements du pouvoir en ISLAM.


C- « Pensée islamique» et «pensée arabe» entre la préservation du patrimoine arabo-islamique et les acquis de la modernité : quelle méthodologie?

Nous retenons dans cette étude quatre volets du patrimoine préislamique axés sur la question culturelle et l’étude du rapport complexe entre « pensée arabe » et « pensée islamique» ( alors que pour l’ensemble des chercheurs occidentaux islamologues, la «pensée arabe» renvoie uniquement aux œuvres écrites en langue arabe, quelque soit l’origine ( arabe, perse ) de l’auteur concerné, à savoir :
- L’héritage culturel préislamique à caractère sociologique ( modèle familial et système tribal spécifiquement arabes qui régnait dans la péninsule arabique fondés sur les rapports de consanguinité et de «segmentarité». Cette héritage fut particulièrement objet d’étude de la sociologie anglo-saxonne) ;
- Le rôle et le statut de la langue arabe consolidés par les célèbres productions poétiques préislamiques ( patrimoine linguistique ) ;
- La nature de l’Etat et l’impact du mode de production dominant avant l’avènement du Coran, qui ont continué à conditionner l’évolution politique de la communauté arabe, particulièrement au cours des règnes des Omayyades et des Abbassides ( système aristocratique basé sur le Mulk ) et qui ont progressivement façonné les pouvoirs politiques contemporains ( appelés théoriquement à être conçus et établis en référence au modèle idéal de la khilafat ) ;
- Le quatrième volet de la «pensée arabe» ( ou du «patrimoine arabe»), renvoie au débat renouvelé et ressuscité par des chercheurs contemporains ( M. A. Jabri, M. Arkoun, B. Ghalyoune, Laroui, Z.N.Mahmoud, H. Hanafi entre autres ) dont les recherches sont axées sur la définition, la spécificité et les imperfections de la « pensée arabe », partant de la situation de décalage des sociétés arabo-islamiques par rapport à l’évolution et à la renaissance de l’occident .
Parmi les auteurs contemporains les plus représentatifs du point de vue méthodologique des recherches modernes en matière de «reconstruction» de la pensée arabe ou arabo-islamique, nous citons :

· Tayeb Tizini
· Bourhan Ghalyoun
· Abdellah Laroui
· Mohamed Arkoun
· Mohamed Abid Aljabri
· Hassan Hanafi
· Zaki Najib Mahmoud
· Hassan Attourabi
· Yaârab Elmarzouki
· Mohamed Talbi
· Mohamed Kabali
· Abderrahman Badaoui
· Mohamed Lahbabi
· Abdelmajid Chorfy ;
· A. Filaly Ansary
· Hicham Djait

Sans développer en détails l’ensemble de ces recherches qui sont complexes, nous essayerons d’aider le lecteur à appréhender les lignes directrices des méthodologies d’étude les plus représentatives de ces courants de pensée, à savoir :
- Méthodologie qui combine le marxisme et le libéralisme ( Laroui) ;
- Celle qui s’appuie essentiellement sur le matérialisme historique et dialectique marxiste ( Hanafi, Tizini, après H.Marwa).
- Celle qui combine une redéfinition du patrimoine en rapport (ou en comparaison) avec les concepts de laïcité et de modernité (Ghalyoune, Arkoune, A. Filaly Ansary) ;
- Celle qui pose la nécessité de recourir aux sciences humaines modernes pour une compréhension approfondie du patrimoine ( M. Arkoun, Z. N. Mahmoud, Tizini ) ;
- Celle qui reprend les concepts historiques de culture, de nationalisme et de «raison arabe», en rapport avec la rationalité philosophique et la démocratie politique ( Jabri ) ;
- Enfin, celle qui opte pour une conciliation des concepts islamiques de l’Achoura, de l’Ijmaâ , de l’authenticité ( d’obédience salafiste ) avec la démocratie ( H. Hanafi, Alghannouchi) etc.
En règle générale, les chercheurs actuels, loin de dépasser la méthodologies rigoureuses à caractère encyclopédique ( pensée classique antérieure à Ibn Taymya , qui s’ajoutent à l’œuvre d’Ibn Khaldoun) ou les innovations grandioses intégrant l’ensemble des paramètres intellectuels classiques de la pensée islamique globale sans enterrer la Raison ( Mohamed Abdou ), se contentent exclusivement d’un possible rapprochement des deux patrimoines en présence ( occidental et arabo-islamique) sans perspective de leur dépassement .
De même que l’ensemble des intellectuels qui marquent leur présence dans le débat sur les possibles issues théoriques de l’état de sous-développement de la communauté islamique, ont jusqu’à présent échoué à élaborer une étude scientifique et intrinsèquement rationnelle du sionisme mondial en tant qu’idéologie raciste et xénophobe de domination qui fonctionne de plus en plus comme stimulateur des divisions interarabes et de la crise de la pensée politique arabe contemporaine.
Par rapport aux efforts de « reconstruction » de la pensée arabo-islamique sur des bases rationnelles et critiques, nous devons rendre hommage aux innovations grandioses des défunts maghrébins : M. A. Eljabri et M. Arkoun, et à l’«Ecole tunisienne» de philosopohie( Abdelmajid Chorfy, Yaârab Elmarzouki entre autres) très critiques à l’égard des volets irrationnel, obscurantiste et dogmatique du patrimoine culturel et religieux arabo-islamique
----------------------------------------------------------------------------------------------------------

(NOTE 1) 

Ali Abderrazik : «..Par tous les moyens ils ( les Sultans) font croire aux gens, qu’obéir aux imams c’est obéir à Dieu, que leur désobéir , c’est désobéir à Dieu (…) Tel a été le crime des rois et leur tyrannie vis-à-vis des musulmans; ils les ont détournés du droit chemin (..) au nom de cette même religion, les ont tyrannisés, humiliés, et on interdit l’étude des Sciences politiques. Ils les ont trompés et emprisonné leur raison… », ce qui « provoque une extinction des facultés de recherche et de la spéculation intellectuelle chez les musulmans, qui furent atteints de paralysie en matière de philosophie politique et en tout ce qui touchait au califat et aux califes.. » « Rien dans la religion, n’interdit aux musulmans d’entrer en compétition avec les autres nations dans les sciences de la société et de la politique…Rien ne leur interdit..d’édifier les règles de leur royauté et l’ordonnance de leur gouvernement conformément à ce que les esprits humains ont inventé récemment, et que les exigences des nations ont démontré être ce qu’il y’a de plus solide en matière de bons principes de gouvernement ...» - Ali Abderrazik (in : « الحكم الاسلام وأصول» « L’islam et les fondements du pouvoir »

------------------------------------------------------------------------------------------------------

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE :




Quintessence Connaissance Tolérance 2018 Copyright. All rights reserved. Designed by رواد المعلوميات