mardi 26 mars 2019


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Quelle issue politique et quel modèle de développement pour l’Algérie ?

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Sommaire :
I- Eléments d’appréciation du régime politique algérien
II- Economie et richesses : chiffres significatifs
III- Les 5 milliardaires les plus riches en Algérie selon «ALGERIE PART»:
IV- Estimation de «New World Healt» :
V- Le Hirak algérien : revendications et limites théoriques (à l’instar des mouvements de l’Intifada arabe antérieurs)
VI- Quel modèle de développement économique pour l’Algérie ?

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I- Présentation:

Il faut de prime abord rendre un hommage solennel à la fermeté, à la détermination et à la discipline exemplaire dont a fait preuve jusqu'ici le mouvement du Hirak algérien qui a parfaitement compris que le pouvoir (corrompu, clientéliste et despotique) ne peut se réformer par lui-même et que seul un contre-pouvoir pourrait opérer des réels changements pour la démocratie et le développement.

Tout le drame algérien dégagé par l'Etat Historique - الدولة العميقة- auquel fait face le Hirak aujourd’hui s'exprime dans l‘ambiguïté politique telle qu'elle est résumée par Nesroulah Yous (artiste-peintre-calligraphe) :

«Comment changer les choses quand nous ne connaissons pas avec certitude les personnes qui tirent les ficelles et possèdent à la fois l’administration, les institutions, des partis politiques, trouvant leurs forces dans la rente, le clientélisme et l’attentisme du peuple ? »

Pire encore, l'élite intellectuelle de l'Algérie (à l'instar de l'Egypte) est paradoxalement prisonnière d'une curieuse culture politique qui sacralise et divinise l'armée sans prendre conscience de la place centrale qu'occupe une poignée de généraux au sein de l'Etat Historique - الدولة العميقة- incarné par Bouteflika et son entourage. Ces richissimes généraux ne se sont pas contenté de cette alliance avec le centre du pouvoir politique, mais ils ont réussi à s'emparer progressivement de l'essentiel des richesses du pays en ayant une mainmise quasi-totale sur des lobbys économiques, commerciaux et financiers qui se dressent tragiquement comme de véritables obstacles structurels à toute politique de réforme de la société algérienne !!!!                                                     

À notre avis, la cause majeure de l'immobilisme politique de l'Algérie  réside dans cette incapacité de l'intelligentsia du pays (y compris les instigateurs du Hirak de 2019) à pouvoir comprendre que c'est bien l'armée (sous emprise totale d'une poignée de généraux) qui tire toutes les ficelles de l'évolution et de la crise politiques depuis le coup d'Etat qui fut orchestré par Boumédiene, et qui continue de nourrir la façade d'un pouvoir civil et "démocratique" (représentés efficacement jusqu'ici par Bouteflika et les fonctionnaires de ses gouvernements successifs) afin de reproduire durablement un régime totalitaire et despotique dirigé et incarné par une oligarchie qui contrôle l'essentiel des richesses du pays. Tout l'effort de Ahmed Gaïd Salah pour faire croire à l'opinion du pays que l' "armée populaire" est du côté du peuple, a pour objectif  suprême de dissuader l'ampleur des mouvements du Hirak à admettre une douce transition sans une remise en cause majeure de la nature du système politique et du caractère inégalitaire du régime économique dont profite une poignée de familles richissimes du secteur privé et de l'armée !!!

NB . : En date du 26 mars,  le chef d'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, décide de faire appel à la classe politique et au peuple algérien pour engager la procédure de destitution du président conformément à l'article 102 de la Constitution du pays. L'article prévoit que le Parlement, sur proposition du Conseil constitutionnel ("réuni de plein droit"), déclare à la majorité des deux-tiers "l'état d'empêchement" lorsque "le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions".
Ahmed Gaïd Salah (pourtant un proche du président Bouteflika) précise : "Il devient nécessaire, voire impératif, d'adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l'Etat"

 Mais Ahmed Gaïd Salah (personnage à double visage en tant qu'ancien combattant de la résistance au cours des années 1950 et en même temps qu'ex-ministre de l'intérieur de Bouteflika au temps de la falsification des élections) ignore que le Hirak le considère comme un élément  du système qui a conduit à la situation de sous -développement dans laquelle se trouve l'Algérie aujourd'hui, comme il ne peut se contenter uniquement de solution proposée dans le cadre institutionnel : article 102 de la Constitution (qui suppose un vote aux 2/3 du parlement et parrainage du Conseil Constitutionnel pour légitimer le départ du président) combiné à l'article 7 (qui stipule que"Le peuple est la source de tout pouvoir..La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple") et à l'article 8 (qui prévoit que "Le pouvoir constituant appartient au peuple.. Le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne".

Suite aux pressions exercées par l'ensemble des représentants de la classe politique et de l'armée, Bouteflika finit par se soumettre aux recommandations prévues à l'article 102 de la Constitution en remetrant effectivement sa démission au président du Conseil Constitutionnel en date du 2 avril 2019. 

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II-Eléments d’appréciation du régime politique algérien :

Il s’agit d’un processus complexe de «relations privées» qui cohabitent avec les «relations publiques», qui développent des «rapports de clientèle» ou de parenté et favorisent une «interaction» entre les groupes d’intérêts et l’administration de l’Etat.
Cette symbiose des intérêts privés et des décisions des pouvoirs publics propre à certains PED, ne devient possible qu’en présence d’une combinaison d’un sous-développement économique(NOTE 1) (dont la facture est payée par les masses populaires ) et d’un «sur-pouvoir politique»(NOTE 2) garant de la stabilité sociale.
L’émergence d’une classe dominante érigée en classe dirigeante qui diffuse ses valeurs idéologiques au diapason des décideurs omnipotents du pouvoir central (Entourage du président + une poignée de généraux) suivant un système de pouvoir hégémonique autour des grands «groupes de pression» issus essentiellement de l'armée) et leurs alliés satellites amicaux et familiaux. La sociologie politique définit le «groupe de pression» comme étant un système organisé de défense d’intérêts et exerçant une pression permanente sur les pouvoirs publics dans le but de préserver et d’obtenir d’eux des décisions conformes avec leurs intérêts !
Plus précisément, il s’agit de la symbiose entre le pouvoir politique, la haute administration des armées et le monde des affaires.
A cette structure centrale, s’ajoute l’émergence des partis politiques à caractère bureaucratique autour du FLN incapables de s’ouvrir aux compétences nationales pour pouvoir jouer leur rôle primordial de producteurs d’élites nationales aptes à assurer une gestion de bonne gouvernance du pays.
Dans un article édité par MEDIAPART le 26 mars 2019, Nesroulah Yous résume la nature du régime algérien d’aujourd’hui :
« Pour certains analystes, ce n’est ni plus ni moins qu’une oligarchie de fait.. Pour d’autres, l’Algérie n’est plus une dictature militaire, mais un État policier à façade démocratique où les clans au pouvoir changent suivant les intérêts du moment. Des alliances se font et se défont entre, d’une part, la hiérarchie militaire, le DRS, le FLN et, d’autre part, le monde de la finance et les familles puissantes. Les personnes qui se partagent le pouvoir et par là même la rente pétrolière à travers la prédation et la corruption généralisées, finissent toujours par trouver des compromis pour sauver le système, quelles que soient leurs divergences, afin de préserver leurs privilèges. Les différends qui les opposent ne sont pas d’ordre idéologique ou politique, ils sont le reflet des luttes qui les opposent pour s’accaparer une plus grande part du gâteau de la rente générée par la dilapidation des richesses naturelles de l’Algérie. Cela se joue donc entre plusieurs sortes d’oligarchies en fonction des intérêts du moment. »
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II-Economie et richesses : Quelques chiffres significatifs

Malgré ses importantes potentialités agricoles et minières , l’Algérie est dotée aujourd’hui d’un «modèle de développement à bout de souffle» engendrant inégalités, marginalisation , chômage et pauvreté.
Selon « Crisis Group », la crise de l’économie algérienne est structurelle : on relève une dangereuse dépendance des recettes pétrolières et gazières qui englobe 97% des exportations qui assurent deux tiers des ressources de l’Etat. Toujours selon cet organisme, «l’économie de rente a ses défauts. Elle a rendu l’Etat complaisant, protégé un secteur privé dans lequel les marchés publics sont attribués sur la base des relations personnelles plutôt que du mérite ou de l’efficacité, et maintenu des industries non compétitives à l’échelle internationale. Cela a également favorisé un sentiment d’ayant droit au sein de la population. Ces différents facteurs ont fait de l’Algérie un pays vulnérable aux fluctuations mondiales». Il est tout à fait vrai que le choc pétrolier de 2014 ait rendu l’économie algérienne plus vulnérable puisque le pays disposait de 178 milliards de dollars de devises étrangères et 37 milliards dans son Fonds de régulation des recettes [FRR] grâce aux excédents budgétaires liés aux exportations d’hydrocarbures. Au début de l’année 2018, il ne restait plus que 97,3 milliards de dollars de réserves. Il se trouve ainsi dans une situation difficile pour engager des réformes à caractère social qui constituent les principales revendications du Hirak aujourd’hui.
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III- Les 5 milliardaires les plus riches en Algérie selon «ALGERIE PART»:

1 – Issad Rebrab, 4 milliards de dollars : Très proche de ses amis influents parmi les généraux de l’armée. Il occupe une position dominante dans le secteur agroalimentaire avec sa raffinerie d’huile et de sucre à Béjaïa et la production du verre avec sa filiale Mediterranean Float Glass (MFG SPA) qui fonctionne à merveille ou le fabricant de fenêtres OXO..
2 – Ali Haddad, 1,8 milliard de dollars : patron des patrons algériens. Connu par son groupe familial l’ETRHB est le deuxième groupe privé en Algérie.
3 – Mahieddine Tahkout, 1,5 milliard de dollars :
Il «s’est initié à presque tous les commerces, les métiers et plusieurs secteurs d’activité est à la tête d’un énorme empire qui s’étend de l’automobile jusqu’à l’hôtellerie ».
«Son investissement le plus populaire et le plus connu est sans doute Hyundai Algérie. A Tiaret, l’homme d’affaires procède à l’assemblage des voitures du fabricant sud-coréen»
4–Ahmed Mazouz, 1,2 milliard de dollars :
«le patron du groupe Mazouz est devenu un poids lourd du secteur privé grâce notamment à la réussite de sa reprise, officialisée le 17/02/2007, de la marque N’gaous Conserves SPA ». «Il réussira même à l’exporter vers des pays de l’Afrique sub-saharienne, la Tunisie et même des pays européens comme la France ou des contrées lointaines comme la Chine ».
5 – La famille Benhamadi, 1,1 milliard de dollars :
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IV-* Estimation de « New World Healt » :

« l’Algérie comptait en 2012 pas moins de 35 milliardaires et 4.100 millionnaires. Ce nombre pourrait atteindre les 5.600 millionnaires en 2020, avec une croissance moyenne de 4,1 %. Dans le top 10 des pays africains qui comptent le plus de millionnaires en dollars, l’Algérie occupe la dernière place ».
L’organisme précise que « l’Algérie et le Maroc vont connaitre, sur la période 2012/2020, la croissance la plus rapide en termes de nombre de millionnaires ».
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V-* Le Hirak algérien : revendications et limites théoriques (à l’instar des mouvements de l’Intifada arabe antérieurs)

*Un Hirak mal encadré et sans projet politique et économique alternatif : Où est donc passé l’ «Etat Historique» (الدولة العميقة) incarné par la classe dominante égocentrique de l’Algérie si le départ de Bouteflika est posé par le Hirak comme la condition primordiale du changement ?. A cela, s’ajoute le caractère ridicule de l’un des slogans avancé par le mouvement qui envisagerait un «rôle protecteur» à l’«armée populaire» au cours de la phase de transition. Une autre façon de se moquer du peuple algérien en faisant ainsi table rase de l’emprise d’une poignée de généraux (incarnant essentiellement l’Etat Historique - الدولة العميقة ) sur les lobbys économiques qui constituent des obstacles structurels au développement du pays et en même temps des causes majeures des inégalités, de la marginalisation et de la pauvreté dans le pays !!!!
*Les slogans et les revendications du Hirak visent exclusivement la classe dirigeante incarnée par le président Bouteflika au lieu de s’ériger en mouvement révolutionnaire susceptible de remettre fondamentalement en cause la classe dominante qui jouit de son emprise quasi-totale sur les richesses du pays, perpétue les inégalités et la pauvreté et consolide la dépendance de l’économie nationale du capitalisme impérialiste mondial et des multinationales.
A notre avis, les élites algériennes font preuve d’ignorance en matière de sociologie politique et d’économie de développement à l’instar de l’ensemble des pays sous-développés dits «arabes» !!!
Comme nous l’avions analysé dans un récent ouvrage (NOTE 3), Le décalage des pays arabo-islamiques (y compris l’Algérie) par rapport aux nations anciennement industrialisées et aux pays nouvellement émergents, réside justement dans cet abandon progressif et constant des pensées fondatrices de la renaissance et des méthodologies universelles de construction de la démocratie en tant que paramètres incontournables d’un réel changement alternatif au despotisme politique et aux incompétences flagrantes des élites dirigeantes en matière de développement économique et de gestion de bonne gouvernance. La permanence d’un tel abandon a durablement mis les dirigeants arabes dans l’impossibilité de se présenter aux «rendez-vous de l’Histoire» : de développement rationnel et séculaire, de maitrise des sciences et techniques, d’innovation, de formation de l’esprit critique et de conception de démocratie adaptée aux cultures et aux droits fondamentaux des peuples.
* A l’instar de tous les mouvements de l’Intifada arabe», le Hirak algérien souffre gravement d’un manque de projet politique qui s’appuie sur un modèle de développement économique alternatif susceptible de faire de l’Algérie un pays émergent à l’instar des pays qui ont su s’engager dans la voie de l’intégration maitrisée et rationnelle dans la mondialisation et de la maitrise réelle des nouvelles technologies à l’instar de la Chine et des dragons de l’Asie en l’occurrence.
* L’identification du président Bouteflika à l’Etat et à la classe dominante est un signe d’ignorance en matière de sociologie politique moderne. En limitant essentiellement ses revendication au seul départ du président, il risque de suivre la voie dramatique de l’Intifada égyptienne qui se contentait du seul départ du président Boubarek qui quitta le pouvoir par la petite fenêtre pour permettre aux représentants de la classe dominante et de l’Etat Latent (الدولة العميقة) d’y revenir par la grande porte..
*Le Hirak souffle d’un manque de culture politique démocratique, en ce sens qu’il fait table rase de toutes les élites politiques élues (parlement et partis politiques) et ne propose à ce niveau aucune alternative pour désigner ou élire ses représentants auprès des pouvoirs publics en exercice. La culture politique démocratique suppose la reconnaissance de la légitimité pour les cadres démocratiquement élus qui acquièrent légitimement le droit de négocier les voies de la transition vers un nouveau régime politique alternatif.
*Le Hirak n’a pas exprimé jusqu’ici sa volonté de faire appel aux compétences nationales (désignées en dehors des élites liées au pouvoir et de l’histoire obscurantiste de la résistance) formées dans les grandes institutions polytechniques et universitaires capables d’élaborer un modèle de développement qui tiendrait compte de la diversité économique et culturelle de l’Algérie tout en permettant à l'économie du pays de s'intégrer rationnellement à la mondialisation économique et technologique de ce début du 21ème siècle.
On continue à évoquer dans ce pays des «personnalités respectées» qui tirent leur popularité et leur «légitimité» de l’histoire révolue et obscure de la résistance contre le colonialisme, au moment où une course est vigoureusement engagée (entre les anciens pays industrialisés et les pays émergents) pour le recensement rationnel des compétences hautement rémunérées en vue de leur affectation optimale aux nouvelles méthodes de gestion permettant de tracer pour les pays concernés la trajectoire de développement et de la croissance et de définir le plus rationnellement possible des recommandations théoriques et pragmatiques en matière de politique générale de réformes structurelles susceptible de relever les défis technologiques, économiques et financiers de la mondialisation.

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VI- Quel modèle de développement économique pour l’Algérie ? :

Nous devons attirer l’attention du Hirak algérien sur le risque gravissime qui pèse lourdement aujourd’hui sur la pays (chargé d’histoire et plein de vitalité de sa jeunesse) de ne pas se présenter (à l’instar des pays émergents) au rendez-vous des révolutions technologiques, de l’intégration rationnelle et maîtrisée à la mondialisation économique accélérée, de l’investissement dans le savoir et de la mise en œuvre des politiques de développement durable qui s’annoncent pour le 21ème siècle. Ces orientations et ces objectifs ne représentent rien d’autres que le monde nouvellement crée prônant la bonne gouvernance, la compétition à la compétence et à l’excellence.
En effet, quelque soit la nature du projet de changement porté par le Hirak, c’est le capitalisme mondial au stade de la mondialisation qui définit en dernière instance les conditions économiques et financières de la transition vers un nouveau régime de gouvernance. :
- Le retour à un modèle de développement dit «autocentré» tel qu’il fut adopté par les élites algériennes des années 1960, devient impossible dans les nouvelles conditions de reproduction du capitalisme financier mondial .

Essai de définition du modèle de développement autocentré (Rappel):

le modèle de «développement autocentré » trouve son origine dans l’option marxienne initiée d’abord par l’Union Soviétique après la révolution bolchévique ;
Beaucoup de pays de la périphérie (en Afrique et en Amérique Latine), se sont inspirés de ce modèle, plus particulièrement grâce aux propositions de G. Destanne de Bernis qui avait tenté de fonder ce modèle sur la base du concept central d’ «industries industrialisantes».
-Seul la relance d’un modèle de développement extraverti tel qu’il est adopté par les pays émergents au stade de la mondialisation est susceptible de tracer la voie de développement maitrisé de l’Algérie.
Parmi les pays émergents, certains pays ne se sont pas contentés uniquement d’user de leurs excédents financiers («fonds souverains» et fonds d’investissements») pour s’ériger en véritables décideurs économiques et financiers dans le monde, mais ils ont opté pour :
* Une réelle maîtrise des hautes technologies définies comme moyens et objectifs de leurs politiques économiques de développement durable.
* La volonté soutenue de bénéficier des transferts réels de technologies dans leur relation avec les pays anciennement développés et industrialisés comme condition d’accès à leurs marchés .
Suite au Japon, ces pays (en l’occurrence la Chine et l’Inde) ont réussi à maîtriser leur intégration dans la mondialisation en abandonnant dès les années 1980 les politiques de substitution aux importations pour développer une politique de valorisation des exportations dite d’ouverture contrôlée qui leur a permis de dominer et de maîtriser les industries de base (chimie lourde, bien d’équipement, sidérurgie, chantiers navals ), ouvrant la voie à la production des biens de large consommation mondialisés (informatique, automobile, technologie numérique etc.).
*Pourquoi l’Algérie avait échoué à maintenir durablement le modèle de développement autocentré (adopté dès le début des années 1960) ?
L’un des grands partisans du développement autocentré, S.Amin pense que « l’industrialisation de la périphérie ne peut se développer véritablement que si elle s’accomplit dans une perspective autocentrée et donc dans des formes analogues à celles du Centre», ce qui le conduit à poser comme condition sine qua non d’une réelle industrialisation maîtrisée et à productivité du travail élevée dans les pays périphériques, la rupture totale avec le capitalisme mondial.
Or, il est difficile, voire impossible d’imaginer des modèles de développement autocentrés, qui fonctionnent en totale autarcie (comme le pense Arghiri Emmanuel) et indépendamment des formes de régulation du système capitaliste mondial.
De même que l’industrialisation des pays anciennement colonisés n’est réalisable que dans le cadre d’une coopération internationale, qui suppose obligatoirement un transfert réel de technologies des centres développés vers les pays sous-développés.
Pour que l’industrialisation puisse être efficace en engendrant la propagation des effets «industrialisants» dans le temps et dans l’espace, il faut réunir certaines conditions d’élaboration d’un programme (d’une trajectoire) rigoureusement et parfaitement définie et soutenue, à savoir :
* Il ne peut y’avoir de propagation des effets industrialisants, sans une demande intérieure soutenue continuellement dans le cadre d’une politique étatique impérative. Si la sidérurgie est lancée, il faut créer une dynamique d’activités ou secteurs qui répondrait aux besoins des débouchés (consommation) de cette industrie, telles que la mécanique et la construction (gros consommateurs des produits sidérurgiques) ;
* Il faut créer un large espace ( marché extranational ) pour répondre aux besoins de ces secteurs hautement capitalistiques, car, sans cette demande élargie, les industries «industrialisantes» évoquées qui nécessitent des efforts d’investissements importants et par conséquent engendrent des coûts de production élevés, risqueraient de compromettre sérieusement le programme d’industrialisation engagé.
C’est ce qui s’est passé en Algérie, quant le programme d’industrialisations «industrialisantes» engagé dès le milieu des années 1960 dans le cadre du développement autocentré, conduisit au fiasco qu’on connait, en raison de l’absence d’une intervention étatique susceptible de soutenir durablement et impérativement une demande globale (ménages et marché constitué de secteurs d’activités complémentaires ) qui assurerait la propagation des effets «industrialisants » des sociétés ciblées en question ;
*L’élaboration (à l’instar du modèle chinois) d’une réelle théorie du développement autocentré suppose :
* une maîtrise et une mise à niveau progressives des technologies avancées, en fonction du progrès technique dans les pays industrialisés du Centre ;
* Un plan de financement du programme du développement d’industries «industrialisantes», en soutien au niveau élevé des coûts de production ;
* une réforme agricole en vue du développement d’une économie d’autosuffisance ;
* Un programme de formation et de qualification de main d’œuvre pour assurer la maitrise des transferts technologiques et qui contribue à réaliser des gains de productivité de travail dans divers secteurs d’activité industrielle ;
* la construction d’un Etat de droit apte à élaborer des politiques économiques rationnelles et impératives ( non seulement conjoncturelles ) mais créatrices de richesses en rapport avec l’évolution du progrès technique en occident industrialisé et les changements structurels du capitalisme mondial.
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NOTES :

(NOTE 1) Concernant les aspects du sous-développement, voir notre Etude: «Crise financière internationale et problématique de développement économique»- septembre 2013
(NOTE 2) Le sur-pouvoir politique est à recenser aux différents niveaux de la vie politique d’un pays : pouvoir central, partis politiques, syndicats . Selon Max Weber, il prend trois «types idéaux d’autorité» qui se combinent au sein d’un régime politique ( ce qui se vérifie dans la plupart des régimes arabes) :
1- «L’autorité charismatique» qui suppose une obéissance à un chef ou à un individu, en raison de son ascendance, de son rayonnement personnel ou de ses qualités exceptionnelles 2-«L’autorité traditionnelle», hérité d’un passé ancestral ; 3- «L’autorité légale - rationnelle»: s’incarne dans la «bureaucratie» ; elle est tirée des «règles constitutionnelles et légales» et de la «rationalisation des procédures». Ces trois «types de légitimité» constituent des obstacles structurels au développement de la démocratie, au renouvellement des élites politiques et à l’intégration rationnelle des compétences au programme de développement économique du pays.
(NOTE 3) Notre ouvrage intitulé : «Le monde arabe : de la crise de la pensée politique à la paralysie de l’intelligentsia » (le décalage par rapport à la modernité et aux exigences économiques et technologiques de la mondialisation »
Ahmed SAIDY, le 27 mars 2019

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