mercredi 1 mars 2023

    

AVANT-PROPOS  du livre : 

« Introduction à la pensée arabo-islamique : l'islam entre la méthodologie universelle de la Renaissance et la prédominance des despotismes religieux et politique" 

"مدخل الى الفكر العربي الاسلامي :

الاسلام بين المنهجية الكونية للنهضة وهيمنة الاستبداد الديني والسياسي"

ⵎⴷⵅⵍ ⴰⵍⴰ ⴰⵍⴼⴽⵔ ⴰⵍⵄⵔⴱⵉ ⴰⵍⴰⵙⵍⴰⵎⵉ = ⴰⵍⴰⵙⵍⴰⵎ ⴱⵉⵏ ⴰⵍⵎⵏⵀⵊⵢⴰ ⴰⵍⴽⵓⵏⵢⴰ ⵍⴻⵍⵏⵀⴹⴰ ⵀⵉⵎⵏⴰ ⴰⵍⴰⵙⵜⴱⴷⴰⴷ ⴰⵍⴷⵉⵏⵉ ⴰⵍⵙⵢⴰⵙⵉ



dépôt légal : 2020MO4510 – ISBN : 978-9920-32-448-9    


(Livre sélectionné pour le "Prix Sheikh Zayed du Livre" 2022-2023 aux Emirats Arabes Unis)

Toutes les sociétés, au regard de leur histoire, de leurs identités et de leurs ambitions, disposent de grilles de lecture et d’appréciation des faits économiques et sociaux, afin d’assurer leur pérennité et de maitriser leur croissance (progrès universel) qui ouvrent la voie à la Renaissance et à l’assimilation obligatoire des paradigmes scientifiques, économiques et technologiques de développement.    

A la croisée des Nouvelles Technologies, des contraintes mondialisées liées à la démocratisation, au développement durable et à la transition écologique et énergétique qui s’annoncent pour le 21ème siècle, ce travail tend à montrer dans quelle mesure les enjeux de la mondialisation constituent une opportunité plus qu’un danger sur la culture et les droits fondamentaux des peuples arabes.

Corolairement, on ne pourrait exposer ce qu’il en fut de la sagesse en Islam, sans traiter de la pensée rationaliste sous ses différents aspects, tant ceux de son fondement islamique que ceux de son paradigme technologique occidental.

Loin qu’il faille se demander si la maitrise des sciences et techniques est (ou non) fonction de l’attachement au volet rationnel du patrimoine, nous déduisons que ce qu’il importe alors de préserver, ce n’est pas tant l’authenticité que la capacité de la Culture à assimiler le progrès scientifique et technologique.

Bien en amont des mouvements de l’intifada, les dirigeants ont leur part de responsabilité dans la préparation de ces circonstances favorables à l’émergence de la crise de la pensée politique arabe contemporaine.  Au bout du compte, et sans sombrer dans des théories complotistes erronées et stériles, le réalisme et le bon sens demeurent d’actualité et méritent d’être cultivés, pour passer de la dérision idéologique à l’analyse objective des faits.

I- La situation d’instabilité, les menaces et discordes qui se profilent à l’horizon dans le monde arabo-islamique et les défis de développement durable et de la maitrise des nouvelles technologies posant la nécessité d’une intégration dynamique et durable au sein des grands pôles de développement (à l’instar de l’Union Européenne du groupement BRICS ) qui s’ajoutent à  la diffusion de l’idéologie à caractère islamophobe (telle que la théorie dite du «grand remplacement » nourrie de l’idéologie extrême-droitière européenne), constituent des MOTIVATIONS essentielles au fondement de notre volonté de rendre à la culture arabo-islamique les vertus universelles qu’elle mérite et de montrer (sur la base de méthodologie à caractère académique) son apport (tout au long de l’histoire) au développement du patrimoine culturel et  scientifique de l’humanité.

 II- Cette étude fixe comme OBJECTIF essentiel de contribuer (sur la base des normes de l’éclectisme et de l’érudition et sans aucun panégyrique) à l’assemblage du puzzle du patrimoine civilisationnel arabo-islamique, et de recadrer la pensée islamique en repensant le rapport de cette pensée aux concepts dominants de la « modernité », de la « démocratie » et des droits de l’homme tant vantés en occident des Lumières.

 

Tout en étant conscient des problèmes épistémologiques et méthodologiques posés par un éventuel « assimilationnisme » (ou « réductionnisme ») et pour paraphraser A. Laroui, le modèle occidental est retenu ici comme un « élément de comparaison, non comme un terme de référence ». (2) (tout un programme !)    

Nous essayons de montrer qu’il est possible de dépasser les clivages qui divisent le monde de l’islam et l’occident, le jour où les deux mondes comprendraient que les bases et les résultats des sciences fondamentales et les fondements de la démocratie, de la tolérance et des droits de l’homme, ne sont ni exclusivement d’origine orientale ni exclusivement d’origine occidentale, mais des vertus immuables à caractère universel !         

Les deux pensées philosophiques orthodoxes de l’islam et des Lumières (qui partagent le principe de l’unicité de l’espèce humaine dans le respect de la diversité culturelle) pour la réalisation de l’équilibre général dans le progrès et la paix, forment les deux volets du patrimoine culturel mondial et humain.

Ce sont essentiellement les imperfections et les déviations (à caractère idéologique et politique) des deux systèmes de pensée, qui sont à l’origine du gâchis, du malentendu et des guerres ouvertes et froides subies par les deux mondes et qui ont atteint leur paroxysme avec le développement des intégrismes :

*  islamiste obscurantiste et intolérant issu de l’orient et du Maghreb (التطرف الاسلاموي) d’un côté, et

* « laïciste » ( -التطرف العلماوي-) ethnocentriste, islamophobe et xénophobe (hautement médiatisé en occident) de l’autre…                                   

L’engagement pour un universalisme (non occidentalocentriste) en matière de droits humains, suppose au préalable un difficile exercice d’autocritique qui s’impose différemment aux dirigeants médiatiques et politiques de chacun des deux mondes :          

-                Dans le monde arabo-musulman : La problématique centrale renvoie à un véritable tabou ressenti au double niveau religieux et politique : Comment « repenser» et « réformer » (3) l’islam en dépassement des croyances mythologiques (voire idéologiques) et des mauvaises gouvernances politiques qui constituent inéluctablement les causes premières de l’immobilisme qui règne au sein de la plupart des sociétés arabo-islamiques, en vue d’ouvrir la voie à une maitrise soutenue des sciences fondamentales et des nouvelles technologies mondialisées, garantir une intégration rationnelle à la mondialisation et une connaissance approfondie des rouages de la finance et des exigences de développement durables qui s’annoncent au début de ce 21ème  siècle.

Un premier volet d’autocritique  qui s’impose au musulman (abstraction faite des islams séparés anthropologiquement et géographiquement à l’échelle planétaire) pour une intégration rationnelle dans le monde moderne, se définit dans la nécessité de dépasser sa croyance exclusive à des droits spécifiques (crées anciennement par Dieu) pour la croyance aux droits de l’Homme à caractère universel (innovés récemment par les instances humaines), en l’occurrence ceux prévus et définis dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme !

- Par rapport au monde occidental : Comment dépasser le discours médiatique et politique de plus en plus mondialisé qui met en exergue le concept illusoire de « choc des civilisations » associé à l’amalgame entre islam et « terrorisme » à travers la campagne médiatique soutenue et organisée autour du leitmotiv de « terrorisme islamique », fondée idéologiquement sur l’opposition illusoire à coloration ethnocentriste (spécialement admise dans les milieux intellectuels pro-israéliens et négationniste des valeurs universelles de l’islam !) de la « civilisation judéo-chrétienne » à la « barbarie » (par référence à l’islam) : une négation délibérée des « traductions arabes » , de la transmission des savoirs entre philosophie antique, Islam et Occident et du haut raffinement qu’eut connu la civilisation arabo-islamique pourtant largement admis dans les milieux de recherches académiques occidentaux.

III- L’étude ne se contente pas seulement de la « reconstruction » de la civilisation arabo-islamique, mais elle développe en même temps une critique méthodologique :                 

+ Des intégrismes et des déviations du fondamentalisme religieux qui voit dans le leitmotiv « l’islam est la solution »  ("الإسلام هو الحل") et le retour à une « authenticité » fermée sur elle-même (الاصالة المنغلقة) une panacée à tous les maux et à toutes les imperfections dont souffrent les sociétés arabo-islamiques à l’époque contemporaine. ;

+ Des despotismes politiques et religieux ayant régné depuis le début du pouvoir omeyade coïncidant avec la période de « codification » (مرحلة التدوين) au sein du monde arabo-islamique, et qui se prolongent et se maintiennent jusqu’à l’époque moderne;                                                       

+ Des idéologies extrême-droitières intolérantes d’origine occidentale à caractère xénophobe et islamophobe.

Au-delà des critiques des différents déviationnismes relevés dans l’histoire et à l’époque contemporaine, l’étude comporte des propositions concrètes (Création de l’Union Arabe en ANNEXE I, normes de la démocratie compatibles avec l’islam : PARTIE XIII-B, Définition du modèle civilisationnel islamique : PARTIE III-B) susceptibles de contribuer à la relance de la Renaissance du monde arabo-musulman tournée vers le futur et suffisamment dynamique pour faire face aux défis contemporains conciliable avec :

-Les normes de la démocratie ;

-Les fondements des droits de l’homme ;

-Les exigences de développement durable au stade de la mondialisation et dans le cadre de la « troisième révolution scientifique » qui s’annonce pour le 21ème siècle et qui se réalise grâce au développement de la cybernétique, aux technologies numériques associées au fondement de l’IA -Intelligence Artificielle-, à la nanotechnologie, aux biotechnologies et à l’écologie.

Nous essayerons de montrer que l’islam n’oppose aucune entrave morale ou dogme liberticide au développement d’une démocratie moderne fondée sur :

 +La séparation des pouvoirs ( فصل السلطا ت  );

+Le multipartisme (التعد د ية  الحزبية ) ;

+La vie parlementaire ( الحيا ة البرلمانية )

+La liberté de pensée et la liberté politique

( الحرية الفكرية والحرية السياسية ) garanties aux musulmans et aux non musulmans   dans   le   cadre   du  dialogue  constructif ( الحوار البناء ), de bonne conduite  ( المجادلة بالتي أحسن) et de tolérance  ( التسا مح والتعا يش) ;

+Des élections libres, contrôlées et supervisées par des organismes indépendants

    الانتخابا ت الحرة )  );

          +L’instauration de la Justice définie par la Loi  ( ضمان العدل الصادر عن القانون )

          +L’alternance du pouvoir   (تداول السلطة  )    ;

La formation d’un système politique qui éviterait durablement toute forme de tyrannie et de despotisme (استبداد وبطش الحكا م) dans le respect du principe de la liberté de pensée et de culte et des droits civiques des minorités et des non musulmans, qui préserverait le droit à la liberté de conscience (حرية الضمير) et le droit à la différence ( حق الا ختلا ف ) entre les hommes et les peuples :            

IV- les difficultés rencontrées et assistances retrouvées :     

 -Première remarque : Il faut préciser au préalable, que nous avons réussi à dépasser les contraintes liées à la documentation générale relatives à un sujet aussi vaste que la pensée arabo-islamique, grâce :

*- Au soutien qui nous a été apporté par les gérants de la Bibliothèque Al Saoud des Etudes Islamiques et des Sciences Humaines de Casablanca, que nous remercions pour leur assistance et la mise à notre disposition (pendant une vingtaine d’années -2000 à 2020) tous les outils de recherches (livres, documents d’histoire et techniques de recherche numériques) nécessaires à l’accomplissement de ce travail.

-*--Aux précieux conseils et aux recommandations que nous avons reçus au contact direct avec les éminents penseurs (au cours de la première période de l’élaboration du présent travail (2000-2010) : Mohamed Arkoun (mort le 4 septembre 2010) et Mohamed Abed Al-Jabri (mort le 3 mai 2010) que Dieu leur Accorde Sa miséricorde !!

-*- Deuxième remarque : Le choix porté sur le français en tant qu’outil linguistique international de transmission et de « traduction de la pensée » de l’Islam (toutes difficultés épistémologiques égales par ailleurs), vise essentiellement à rompre le « dialogue des    sourds » installé depuis l’avènement de la mondialisation entre l’OCCIDENT et le MONDE DE L’ISLAM. Nous ne sommes plus dans l’âge d’or islamique dont on disait : « Quand le monde parlait l’arabe », mais en pleine époque de sécurisation des savoirs et de rationalisation des champs scientifiques et technologiques mondialisés !  Le style utilisé est ainsi tributaire de la double contrainte de la TRADUCTION (en partant obligatoirement de l’arabe en tant que langue de la connaissance islamique) et de la nécessité préalablement posée d’élaborer un travail de VULGARISATION dans le respect des règles déontologiques de la recherche académique et de l’ERUDITION.

En partant donc de la connaissance arabo-islamique formulée sociologiquement et historiquement dans la langue arabe, la présente Etude fut réalisée dans le souci permanent de dépasser les difficultés (d’ordre linguistique, méthodologique et épistémologique) à transmettre au lecteur l’essence des pensées et des concepts étudiés et traités, sans se détacher de la réflexion à caractère rationnel et universel. 

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NOTES de l’AVANT-PROPOS

(1)Thèse centrale (strictement d’origine occidentale) de l’évolution, des apports philosophiques et des imperfections de la « modernité » issue des Lumières :   Si la « modernité » (الحداثة) est issue de la philosophie des Lumières (Locke, Kant, Spinoza, Rousseau, Montesquieu, Descartes, Hegel), la «postmodernité» (ما بعد الحداثة) a connu deux étapes: la première, marquée par les apports critiques de Nietzsche et de Heidegger ayant remis en cause la «volonté de puissance» du rationalisme occidental (engendrant des imperfections tels que : le colonialisme, le racisme, l’européocentrisme, le fascisme, l’antisémitisme), et la deuxième marquée par les critiques formulées par Foucault, Darida, Léotard, Vatimo ainsi que par les philosophes de l’Ecole de Francfort tels que  Adorno et Habermas. Alors que l’hypermodernité ( الحداثة الزائدة) entamée par Lipovetsky et Marc Augie qui relèvent l’importance que prend l’individualisme dans une société plus libertaire et plus critique à l’égard de la mondialisation accélérée, annonce l’amorce des risques  liés : à la « fin de l’Histoire»  (نهاية التاريخ ) , au temps chaotique  (زمن فوضوي وأعمى), à la catastrophe nucléaire  (كارثة نووية), à l’emprise sur les Libertés des TIC  (Technologies d’Information et de Communication) et à la révolution des nouveaux besoins…

(2) A. Laroui : « Islam et modernité »- Centre Culturel Arabe- 2001)

(3) *- Hassan Hanafi : souhaite transformer les « sciences traditionnelles » en sciences humaines, les « sciences du fikh » en méthodologie de recherche et en sciences économiques, le soufisme en psychologie et morale ; Nos sociétés ont besoin de réhabiliter la Raison contre les superstitions, l’homme musulman est        « assiégé » entre les « divinités » et les « sciences » de la sagesse, absorbé et mis à  mort au  moyen du soufisme                            

 *- Mohamed Arkoun :  Sur la base de recherche pluridisciplinaire (sciences humaines, anthropologie, philosophie, science de l’histoire), appelle au dépassement de la pensée juridique islamique qu’il considère introvertie (   تجاوز الانغلاق الفقهي) et au «renouveau»  de la pensée religieuse ( تحديث الفكر الديني ) en conciliation  avec  la modernité (الحد ا ثة ). 

*-  Abdellah Laroui relève le caractère ambigu et  incomplet des concepts de : liberté, de pensée, de l’histoire, de l’Etat  dans la « pensée arabe »  et l’attachement unilatéral et excessif au patrimoine, qu’il considère comme des raisons de la stagnation des sociétés arabes ;

             *-  Zaki Najib Mahfoud pose la nécessité d’écarter le « volet négatif » de  notre patrimoi  ne(الجانب الامعقول في الثرات ) 

                et de préserver l’autre « volet positif ou rationnel  في الثراتالجا نب المعقول 

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