mardi 16 octobre 2018


Les imperfections de la pensée arabo-islamique en l’absence de gestion rationnelle de la relation avec l’Autre, de l’ouverture sur les sciences humaines et de la maîtrise des théories économiques de développement

Nous relevons cinq imperfections de cette permanence du caractère incomplet de la « pensée arabo-islamique» contemporaine (historiquement différentes des imperfections de la pensée classique évoquées précédemment) et de l’absence de la mise à niveau du réformisme islamique par rapport aux systèmes de réflexion qui sont à la base du progrès et de la démocratie moderne.
Ces paramètres historiques expriment les imperfections de la « pensée arabo- islamique », qui se sont développées parallèlement à la dynamique de développement séculaire issue de la pensée rationnelle de la philosophie des lumières (engendrant le progrès technique et scientifique ) en Europe depuis le 17ème siècle, à savoir :

1- Imperfection liée à la crise de compétence en matière de développement, combinée à une ignorance affichée des systèmes de pensée ayant contribué au développement sans précédent des forces productives et de la démocratie issue de la volonté populaire en Occident

Nous pensons que le décollage et le développement des forces productives et des potentialités d’adaptation sans précédant du capitalisme en Europe d’abord et dans d’autres régions du monde ensuite, ont été rendus possibles en raison de la contribution de trois systèmes de pensée, comportant trois méthodologies de réflexion et non uniquement par la seule séparation de l’Etat du champ religieux, à savoir :

a- La méthodologie de la théorie économique libérale et new-libérale (ayant évolué de l’étude de la transition du féodalisme au capitalisme et des nouvelles lois fondamentales du mode de production capitaliste ascendant ( Economie Politique) à la théorisation des équilibres et des crises du capitalisme industriel jusqu’à l’avènement des nouvelles écoles de croissance de la fin du XXème siècle, en passant par les théories new-classiques, et puis keynésiennes et new-keynésiennes)(1) consolidées en fin de parcours par les nouvelles « sciences de gestion» modernes (technique modernes de gestion de l’entreprise et techniques monétaires et financières, systèmes modernes de communication et d’outils informatiques);

L’ensemble de ces théories ont conditionné logiquement les politiques économiques à moyen et à long terme des Etats européens, particulièrement après la deuxième guerre mondiale engendrant la « consommation de masses », dans les conditions du fonctionnement d’une démocratie fondée essentiellement sur la souveraineté populaire comme source exclusive de légitimation politique, la liberté de pensée et la rôle primordial des partis politiques, véritables institutions de production des élites politiques dans les nouvelles conditions de la sauvegarde de la formation polytechnique de haut niveau et de la recherche scientifique.
Ces niveaux de réflexion et de gestion furent toujours les domaines et le axes principaux du rôle de l’Etat et des entreprises privées ; elles déterminent directement les conditions essentielles de la vie des peuples en dehors de toutes considérations d’ordre religieux qui entraveraient le développement des forces productives et remettraient en cause les fondements de la légitimation de la démocratie issue des urnes et de la volonté populaire;
L’internationalisation de l’économie capitaliste depuis le XXème siècle et la soumission progressive des économies des différentes nations non européennes, impose à celles-ci une nécessité de maitrise des lois qui fondent le capitalisme mondial en tant que mode de production dominant.
D’autant plus que ce même mode de production devenu planétaire, a aggravé et même orienté le développement du sous-développement des sociétés anciennement colonisées, en l’occurrence des sociétés arabo-islamiques.
Ainsi, rien ne justifie, la négligence des domaines de gestion qui relèvent de ce mode de production, si les sociétés soumises à ses lois internes, veulent et souhaitent s’adapter aux conditions nouvelles de croissance et accéder au progrès technique et scientifique

b- La méthodologie de la philosophie des lumières et la pensée rationnelle occidentale qui se sont développées depuis le 17ème siècle, dont les fondements et les principes sont à la base de la démocratie occidentale moderne et des droits de l’homme.

Nous pensons, qu’il n’y a rien dans notre patrimoine religieux et philosophique qui entrave les valeurs universelles de justice politique et sociale, de conception de démocratie populaire, de sauvegarde de liberté de pensée, des droit de l’homme et de la nécessité fondamentale de l’accès sans limites à la science et au monde de l’innovation et de la création.
L’abandon progressif des principes universels de démocratie, est lié à l’évolution des régimes politiques islamiques et nous ne croyons pas à une incompatibilité de la pensée fondamentale de l’Islam avec les exigences du fonctionnement de la démocratie moderne, le développement des forces productives et les acquis de la recherche scientifique.

c- La méthodologie de la pensée économique marxiste en tant qu’ensemble d’outils d’analyse et de critique du capitalisme. Celui-ci étant, comme nous l’avons évoqué, le mode de production dominant depuis le 19ème siècle et dont les lois internes ont conduit à son expansion à l’échelle mondial, ayant largement et essentiellement contribué au développement du sous-développement des sociétés anciennement colonisées, y compris les sociétés arabo-islamiques;

Réduire la pensée marxiste ( ensemble d’instruments d’analyse critique du capitalisme en tant que mode de production dominant à l’échelle planétaire) aux seuls caractères profane et hérétique, relève de la plus grande ignorance, affiche un réductionnisme béat, et détourne les recherches en matière de reconstitution et de la mise à niveau de la pensée arabo-islamique des solutions réalistes aux problèmes de sous - développement et de la construction effective d’une vraie démocratie . La méthodologie marxiste, qui se présente comme la pensée la plus avancée et la plus critique du capitalisme dominant et aliénant, a permis paradoxalement (malgré la montée des oppositions communistes dans le monde) de perfectionner son fonctionnement et son adaptation aux nouvelles conditions de développement économique et politique au XXème siècle, de même qu’elle a contribué indirectement à la compréhension de l’essence des rapports de production qui lui sont historiquement spécifiques et à l’explication des raisons profondes des cycles de ses crises et de son expansion en tant que système économique mondial.
En se présentant comme un projet politique alternatif qui n’a pas abouti en raison de l’échec du système soviétique et de son effondrement par la suite et l’évolution d’autres économies socialistes; il a en même temps contribué au développement des écoles en Europe de sciences sociales et de sociologie politique ( structuraliste et fonctionnaliste + théories sur la force de travail particulièrement en France) et aux Etats-Unis (célèbres études critiques de la société de consommation et d’aliénation dite freudo-marxistes et post freudo-marxistes : Herbert Marcuse les autres écoles de l’aliénation de la fin du XXème siècle…).(
Nous pensons, en outre que l’analyse en terme de classes sociales, de mode de production et de la forme de l’Etat en rapport avec la nature des rapports sociaux de production, constitue un volet important (particulièrement au stade du capitalisme), de toute étude objective de la problématique de développement et de la transition des sociétés modernes.
A ce niveau, le marxisme constitue dans le domaine des sciences économiques et sociales au 20ème siècle, l’une des méthodologie les plus pertinentes de l’explication des relations complexes entres nature des classes dominantes, la forme de l’Etat et l’orientation des politiques économiques qui en découlent dans une société donnée pour aller vers le développement réel ou vers le sous-développement.
L’exemple de la montée d’une classe dominante ( la bourgeoisie industrielle) contre l’ancienne classe dominante ( la classe féodale dont le pouvoir fut consolidé par l’église) en Europe, est un exemple de l’étude marxiste de paramètres objectifs ayant conduit à la domination du capitalisme mondial et à son expansion à l’échelle planétaire à l’époque impérialiste du partage du monde depuis la deuxième moitié du 19ème siècle.
Personne ne nie aujourd’hui qu’un tel partage du monde sur la base d’une domination économique, a fatalement empêché et ralenti toute possibilité de réalisation des objectifs de réforme des sociétés islamiques et ait mis définitivement fin au pouvoir du Khalifat islamique en disloquant le monde musulman en Etats nations affaiblis, et ce, malgré l’accès à des formes d’indépendance qui ont permis de réveiller les vielles querelles théoriques et politiques d’obédience religieuse ayant marqué les différentes divisions ou « fitna » entre musulmans.
Toute recherche de solutions à la situation du sous-développement des sociétés actuelles, et éventuellement toute tentative de «reconstruction» ou renouvèlement de la pensée arabo-islamique qui tournerait le dos aux champs de recherches théoriques et méthodologiques évoqués (qui éviteraient les imperfections relevées), ne ferait qu’aggraver le décalage et le retard de ces sociétés par rapport à l’occident.

Ainsi, s’imposent à nos sociétés actuelles l’accès aux conditions méthodologiques de l’esprit d’ouverture et de maitrise des outils théoriques et pragmatiques nécessaires à un réel développement et pour une compréhension approfondie de la « modernité » et de la « démocratie » en vue de construire une société de justice et de progrès, à savoir :
- Dynamique économique (théorisation accrue et approfondie des orientations des politiques économiques et sociales des Etats ) en dehors des recommandations obscurantiste et conservatrice ;
- Maitrise des techniques modernes de gestion et des théories économiques de développement à l’instar de l’Europe) ;
- Construction des Etats de droit légitimés exclusivement par la volonté populaire combinée à une protection réelle et continue par ces Etats de la liberté de pensée et de la recherche scientifique ;
- Ouverture sur toutes réflexions d’ordre théorique apportant des critiques scientifiques au capitalisme en tant que mode de production dominant (y compris une maitrise des orientations théoriques libérales classiques et new-classique et des méthodologies de la théorie économique marxiste ).

2- Imperfection liée à la crise de compétence au niveau de la gestion des relations avec l’autre ( avec l’occident ) en ascendance depuis le 17ème siècle.

A ce niveau, les sociétés islamiques n’ont pas trouvé de réponse définitive et adéquate à la problématique centrale qui se ramène à deux problématique politiques, à savoir :

La première :
Peut on continuer à affronter cet occident en développement, parce qu’il garde en permanence ses réflexes politiques hérités des guerres de croisade anti- islamiques ?

Les raisons évoquées à cette thèse sont malheureusement réelles et fonctionnelles encore aujourd’hui, leur justification est fondée sur les points et arguments suivants :
a- Refus de la part de cet occident, au peuple musulman toute conciliation avec sa culture (à l’instar au moins du Japon ), en combinaison avec l’accès à la science moderne ;
b- L’application d’un droit international, sur la base du système de « deux poids, deux mesures», combiné avec le soutien inconditionnel au sionisme mondial et la banalisation du droit à la résistance des peuples sous occupation tout d’abord en Palestine depuis déjà une soixantaine d’années, et puis en Tchétchénie, en Irak et en Afghanistan ;
c- Refus affiché de cet occident, au peuple musulman de l’accès à l’industrie nucléaire ( cas de l’Irak, d’Iran, de la Syrie ), alors qu’il a contribué au développement de l’une des plus grandes réserves atomiques dans le monde, celle que possède Israël actuellement avec une vingtaine de tête nucléaire, tout en cautionnant ses politiques systématiques d’agression et de colonisation et de terrorisme d’Etat
Dans tous les cas, le comportement politique de l’occident aujourd’hui, affiche une méfiance réelle à l’égard des sociétés musulmanes en les privant du vrai développement et en les écartant de l’accès à l’industrie atomique, alors qu’en même temps, il écarte l’Etat d’Israël des conditions d’application du droit international.

L’absence de démocratie dans la plupart des sociétés arabo-islamiques, ne peut constituer l’argument suffisant à une elle politique discriminatoire, étant donné que les agissements de l’Etat d’Israël portent les aspects objectifs d’un véritable terrorisme d’Etat et d’un régime discriminatoire à l’image de l’apartheid et ce, depuis 1948.

La deuxième problématique :
Peut on continuer à tenir ( au niveau de la gestion de nos relations avec cet occident) un langage de souplesse et de diplomatie, ou tout simplement le langage du « citoyen du monde », en partageant avec lui les éléments positifs à caractère universel : accès aux sciences sociales et humaines modernes, résultats de l’industrie moderne et des recherches médicales, technique et gestion de la protection de l’environnement etc.), tout en mettant en valeur les principes humains universels islamiques du rapprochement entre les peuples, du dialogue entre les religions et les civilisations ?

Les raisons avancés à une telle thèse, se ramènent aux faits suivants :
- En matière de progrès scientifique et technique, nous avons beaucoup à apprendre de l’occident, et l’accès aux sciences modernes est une nécessité pour la mise à niveau des sociétés musulmanes pour une meilleure intégration dans le système économique mondial et pour le bien être des peuples musulmans;
- Les points communs avec l’occident sont très importants en matière des droits de l’homme, des solutions à apporter aux problèmes de santé et de l’environnement etc., et il est n’est pas réaliste de tourner le dos aux résultats objectifs du progrès scientifique et technique de l’occident sans nouer et consolider des relations durables avec l’ensemble des Etats qui le constituent.

3- Imperfection liée à l’incapacité de s’adapter aux exigences de la modernité, ou négligence des éléments historiques et objectifs qui ont engendré la renaissance de l’Europe depuis le 17ème siècle

Rien dans les méthodologie coranique, dans le système de gestion de l’Etat de Médine vécu par le Prophète, à l’ère de la Khalifa Arrachidya et dans la philosophie islamique ( d’Alkindi à Ibn Khaldoun), n ’indique ce qui pourrait contredire les principes les plus admis par les démocraties modernes: la liberté de pensée, l’accès sans limites à la science, la défense des droits de l’homme, la tolérance , le rapprochement entre les peuples, la protection de la santé et de l’environnement…
C’est le soutien inconditionnel au principe de la fidélité aux textes réinterprétés, au détriment de l’effort intellectuel positif de l’Ijtihad et
de la Raison philosophique islamique depuis la mise à l’écart des Muâtazilites et la victoire du volet obscurantiste à dominante juridique « fik’histe » et politique , qui est à l’origine de l’immobilisme des sociétés islamiques, devenues par conséquent prédisposées au développement de leur sous-développement suite à la domination économique et politique européenne particulièrement depuis la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle.
Les sociétés islamiques restent donc prisonnières d’un patrimoine réinterprété, qui ne porte pas toutes les solutions aux problèmes de la modernité, et se trouvent donc incapables de se libérer des « codifications » antérieures, comme elles tournent le dos aux systèmes modernes de pensée ( évoqués précédemment ) qui ont contribué au développement économique et politiques de l’Occident et permis au mode de production capitaliste par la suite de s’imposer comme système dominant et planétaire pour la première fois dans l’histoire humaine, bloquant la réalisation des deux grands projets alternatifs au modèle occidental :
L’islam réformateur et le marxisme révolutionnaire.

3-Echec de gestion de la nouvelle situation politique et économique issue de la domination européenne depuis le 19ème siècle

* Appréciation négative du patrimoine culturel et politique occidental à caractère universel et la recherche de solution dans les sources du patrimoine présenté comme panacée ;
* La non maitrise de la donnée de la Science et sa conciliation avec l’islam
* L’incapacité d’innover un modèle politique islamique spécifique en conciliation avec la démocratie, alternatif au système occidental fondé sur les règles incontournables liées à la démocratie issue de la volonté populaire et à la formation de l’Etat de droit.
Le fonds du problème de l’immobilisme des sociétés musulmanes depuis le12ème siècle grégorien, réside dans cette vision étroite de réduire des systèmes de pensée à caractère universel formant le patrimoine culturel et scientifique humain à une simple idéologie d’invasion et d’acculturation menaçant l’orthodoxie islamique réinventée et réinterprétée.
Cette orthodoxie ultra - conservatrice assimilée à l’authenticité, part de l’orientation théorique prônant à l’intérieur la voie prédominante des visions dites « Naklistes » ( école « hanbaliste » rattrapée par les «Achaarites » et les successeurs salafistes d’Ibn Taymya ), et l’abandon du volet rationaliste du patrimoine qui a la faculté d’ouverture, d’assimilation et d’adaptation: le volet dite « Aakliste » que représentaient l’école « Muaâtazilite» et les orientations théoriques philosophiques islamiques.
Ce ne sont pas les orientations méthodologiques de ces écoles qui ont engendré l’immobilisme et le sous-développement, mais plutôt les différentes interprétations et donc d’utilisation politique affectées à ces orientations par les dirigeants de chaque pays qui en constituent la cause majeure.
L'attachement excessif au patrimoine du passé et l'abandon des perspectives de développement issues de la pensée de la Renaissance (Afghani, Abdou, Alkawakibi..), sont des paramètres complémentaires à l'origine de l'immobilisme et du sous-développement des sociétés arabo-islamiques.L’interprétation salafiste que les ultraconservateurs ( R. Réda, H.Elbenna et S. Kotb) des pensées d’Ibn Taymya, et l’abandon pur et simple du volet rationaliste de la pensée islamique, combinée au caractère despotique ( الا ستبداد ) des régimes politiques, constituent les exemples parmi d’autres d’illustration du développement du caractère dogmatique et obscurantiste de la pensée arabo-islamique, ayant empêché l’assimilation des systèmes de réflexion à caractère universel évoqués et engendré l’écart en matière de développement et de démocratie avec l’occident). -----------------------------------------------------------------------------------------------

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